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samedi 27 septembre 2014

La première guerre mondiale au jour le jour : septembre 1914.



Nous ouvrons aujourd'hui le second volet de la chronique initiée le mois dernier. Elle va nous permettre de parcourir le premier conflit mondial, pas à pas, au cours des mois à venir et ce, au travers du regard du lieutenant-colonel Rousselle,  contemporain du conflit et ancien professeur de l'Ecole supérieure de guerre.
 
Septembre 1914
 
Bousculées, les armées de l'Entente reculent laissant depuis la mi-août et les forces allemandes progressent selon leur plan malgré quelques retards dus aux combats en Belgique mais aussi du fait de quelques revers dans les Vosges.
Les Allemands, le 1er septembre, sont à quelques lieux de Paris, dans la région de Creil et Senlis pour l'armée Von Kluck. La capitale n'est protégée que par " une ceinture de forts très mal protégés contre l'artillerie moderne et dont la plupart étaient dominés par des hauteurs très rapprochées. Pourtant malgré le bombardement intense qu'ils ont subi, pas un n' a été pris."

C'est une façon renouvelée de souligner la force morale des combattants français à l'image des combats acharnés autour du château de Mondement aux alentours de Cézanne (4 sièges et assauts successifs). Comme le rappelle le lieutenant-colonel Rousselle dès le 3 septembre, un des effets majeurs pour les militaires français est de durer, comme d'ailleurs le dicte le principe napoléonien d'économie des forces, "principe qui est à la base de tout notre enseignement militaire,..., nos états-majors en sont imprégnés." Au 4 septembre, la France compte toujours sur l'allié russe pour obliger l'Allemagne à freiner son action à l'ouest et pour protéger Berlin.
Si, sur le plan opératif les franco-britanniques sont en difficulté, ils remportent néanmoins de beaux succès tactiques, les charges meurtrières de la cavalerie anglaise dans la forêt de Chantilly en sont pour preuve.
Mais le tournant de la Marne approche. Les 5 et 6 septembre, l'armée Maunoury, appuyée sur Paris, prépare puis  lance la contre-attaque sur le flanc allemand qui, plutôt que de tourner Paris par sa gauche, s'enfonce vers le sud-est (région Meaux et Coulommiers). L'offensive de la Marne planifiée par Joffre pousse Von Kluck à débuter sa retraite devant les assauts furieux des unités britanniques, de celles de Franchet d'Esperey ou de Foch. Les Allemands, battus se replient derrière la Marne, les Français reprennent Château-Thierry, Montmirail ou la Fère-Champenoise. A l'est, les Russes battent une fois de plus les Autrichiens à Krasnik. Le 10 septembre l'armée Maunoury s'empare de 13 canons, 7 mitrailleuses et 2000 prisonniers. Notre témoin et chroniqueur ne cesse alors de renouer avec son optimisme de l'été et compare la campagne à celle de Napoléon en 1814 face aux armées coalisés sur un terrain presque identique (Champaubert, Nogent, Montmirail). Ceci démontre l'attachement excessif des cadres français à la manœuvre impériale prise sans le recul de l'histoire et dont les schémas sont collés aux combats de 1914 sans considérations des évolutions techniques ou tactiques. Mi-septembre, les Allemands poursuivent leur retraite vers l'Aisne, en particulier en Argonne et déjà, ils mettent en place les premières tranchées. Ces terriers, comme les nomment les combattants français, permettent aux armées du Kaiser de gagner le temps nécessaire au rétablissement du front. Cela n'empêche pas le lieutenant-colonel Rousselle avec malice de saluer l'efficacité française : "Obligée, après un grave insuccès, de reculer sur une étendue de plus de 100 km, elle n'a jamais rien perdu ni de sa cohésion, ni de sa vigueur, ni de son courage, et elle a accompli cette difficile retraite dans un ordre tel que toutes ses unités sont restées cohérentes et soudées entre elles. C'était superbe mais voici mieux. Cette armée a pu, pendant six jours, soutenir sans faiblir, le choc de trois énormes masses allemandes venues concentriquement l'assaillir."
Les taxis qui sont souvent mis en scène dans le cadre de la bataille de la Marne sont aussi utilisés, de manière presque anachronique" pour mener des raids dans les lignes allemandes, à l'instar des Taxis autos des Turcos  surprenant l'ennemi au cœur de la ville de Senlis (livrée au pillage depuis plusieurs jours). Joffre, emporté par ses succès télégraphie au ministre de la Guerre le 13 septembre "notre victoire s'affirme de plus en plus complète".
A partir du 15 septembre, les troupes allemandes sont en défensive de l'Oise à la Meuse et la "Course à la mer" commence ainsi que la bataille de l'Aisne (région de Pompelle près de Reims, plateau de Craonne. La France pense qu'elle aura facilement le dessus car les officiers sont persuadés que doctrinairement que la défensive demeure toujours une posture fâcheuse (Waterloo serait l'unique bataille défensive victorieuse). On note ici l'aveuglement français avec son offensive à outrance due principalement aux défaites de 1870 mais qui aura façonné une génération de chefs militaires avant le premier conflit mondial.. L'ennemi est, dès le 21 septembre, enfermé dans des caricatures et on le croit déjà vaincu : "lui qui attaquait avec une furie de bête fauve, jetant à la mort des hommes par milliers, en piétinant toutes les règles de la guerre,...il a rentré ses griffes menaçantes et se terre comme un renard traqué."
Néanmoins, le 22 septembre, malgré quelques offensives locales (Saint-Mihiel, Pont à Mousson)les deux parties semblent se résigner à la défensive comme les retours d'expérience de Mandchourie (guerre russo-japonaise) l'avaient annoncé sans que l'on s'attache à les exploiter au début du XXème siècle. La guerre s'étend dans les colonies, les Anglais quittent Freetown après avoir débarqué pour attaquer le Cameroun allemand, les Français occupent Coco Beach avec une canonnière et coulent deux bâtiments allemands. En revanche, sur le front est, les Allemands ont repris l'offensive et bousculent les Russes près du Niemen, assiègent Ossowiez, Augustow et Drusskeniki dans de violents combats.
A compter du 30 septembre, notre témoin considère que la lutte d'usure a commencé et qu'il va falloir s'armer de patience avant de pouvoir briser le front qui se met en place. La guerre de position va commencer. 
 
 
 

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