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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

lundi 29 décembre 2014

La première guerre mondiale au jour le jour : novembre - décembre 1914.

 
Nous poursuivons notre évocation du premier conflit mondial dans les yeux du lieutenant-colonel Rousset, contemporain des combats et ancien professeur de tactique à l’Ecole supérieure de guerre. Ce témoin, dans ses analyses et commentaires illustre bien souvent l’aveuglement tactique français de l’époque avec le culte de l’offensive et le primat des forces morales des fantassins pour remporter la victoire.
Dès le 1er novembre 1914, les Allemands repassent à l’offensive générale mais sans manœuvre particulière, avec force et en ne comptant que sur l’effet de masse. Les Alliés résistent et l’auteur met en avant, dans une perception anachronique, les actions chevaleresques de quelques dragons, définissant ces « coups à la française » d’épisodes au parfum d’épopée à l’instar des hussards de la Grande Armée de 1806. Sur mer, les combats navals se font de plus en plus nombreux avec la bataille du Chili entre l’escadre de Von Spies (croiseurs Scharnorst par exemple) et celle de l’amiral britannique Cradock.


Les Allemands paraissent englués dans les terres inondées volontairement de Belgique et du nord de la France (région de de l’Yser). Cette évocation montre que la contre-mobilité peut avoir plusieurs formes en fonction du terrain auquel une armée fait face. A l’est, les troupes russes poursuivent leur offensive et leur poussée contre les corps autrichiens et allemands jusqu’à la Wartha et la Vistule. Les Français comptent d’ailleurs sur cette offensive pour maintenir le front et couronner de succès la « tactique défensive active » faite de contre-attaques limitées en attendant l’épuisement adverse.
 
Au cours du mois de novembre, l’importance des tranchées, cette « guerre de taupinières » et la prééminence des duels d’artillerie se font de plus en plus prégnants tant la situation est confuse. En effet, elle est faite d’assauts furieux de part et d’autres et de gains territoriaux très faibles, gagnés au prix de coups de main ou de combats en zone urbaine comme à Dixmude[1] (où résistent les 700 fusiliers marins français de l’amiral Ronach face à 2 corps allemands) , à Tracy-le-Val ou à Ypres.
Le lieutenant-colonel Rousset salue l’action des aviateurs mais nie la nécessité de donner à l’aviation le titre de 5ème arme cantonnant les aéronefs au rang d’auxiliaires de l’infanterie ou de l’artillerie. Comme les chefs militaires de l'époque, l'innovation technique est écartée au bénéfice du courage et des forces morales du soldat. Les Français comptent sur leur acharnement, leur opiniâtreté pour faire fléchir le moral ennemi jugé fragile à l’image des paroles inquiètes de l’empereur Guillaume « nous avons désormais pour tâche de protéger nos foyers que la France moribonde et la Russie barbare s’apprêtent à attaquer. ». La guerre psychologique, les différentes perceptions ou interprétations des messages, comme des faits sur le terrain, ainsi que les opérations d’influence se mettent en place.
En revanche, dès le 16 novembre, contre toute attente, les forces allemandes reprennent l’offensive à l’est (région de Kutno et Lowicz) avec l’armée Mackensen qui bouscule les Russes.
Au cours des pages, notre témoin fait de plus en plus allusion à la guerre de siège en observant le front (comparé à une forteresse de 600 km) qui s'enterre. Il évoque des « travaux d’approche », les mines souterraines, les tranchées d’inondation, les fougasses, les entonnoirs et les « camouflets ». La seule solution pour débloquer la situation serait de faciliter « une action réflexe » provoquée par un évènement extérieur qui, pour les Français, ne peut venir que des steppes russes (là encore les références aux guerres du 18ème siècle sont nombreuses avec Bonaparte ou Carnot). Malheureusement, le général Rennenkampf ne peut plus progresser face aux unités du Kaiser qui reprend l’initiative et oblige ainsi le Tsar Nicolas à envoyer de nombreux renforts dans la région de Lodz. Les pertes sont effroyables des deux côtés mais il semble bien que les Russes aient trop étirés leur dispositif, laissant leur flanc en proie aux manœuvres d’enveloppement allemandes et ce, malgré l’illusion du succès  russe annoncé haut et fort fin novembre 1914.
Dès le 1er décembre, les Allemands entretiennent le doute dans les services de renseignement alliés en multipliant les fausses nouvelles et en menant une complexe manœuvre pour leurs renforts et leurs transports par voie ferrée. Ils privent ainsi leurs adversaires d'une bonne vision de ce que sera l'effort à venir.
La fin de l’année 1914 et les premiers jours de 1915 semblent bien annoncer un tournant dans les opérations, en particulier au regard des évènements en préparation dans les Balkans et en Pologne.

Source images : Horizon 1914 et Allix Piot


[1] Nom donné à l’un des fleurons de la Marine Nationale du moment, le navire de commandement et d’assaut amphibie, le BPC (bâtiment de projection et de commandement) Dixmude.

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