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jeudi 5 mai 2016

Enseignements tactiques : la mission militaire française au Hedjaz 1916-1920.


Cet article est le dernier de notre série consacrée à l'engagement français aux côtés de la grande révolte arabe pour chasser les Ottomans du Levant et de ce que l'on appelait alors l'Arabie. Cette étude permet de tirer les enseignements tactico-opératifs de ce déploiement français méconnu. Nous verrons que les grands principes s'y sont appliqués et que les modes d'action choisis font écho à ceux employés aujourd'hui sur de nombreux théâtres d'opération.

Le colonel Bremond n'adhère pas, à son arrivée au Hedjaz, au choix tactique de T.E Lawrence de faire effort sur des opérations de type "guérilla" préférant initialement adosser aux troupes chériféennes des unités conventionnelles occidentales. Il se rangera finalement aux décisions britanniques dont il partage la vision stratégique. En effet, pour vaincre les Turcs, il est d'accord pour choisir, à l'instar du concept du stratégiste Liddell Hart, une approche indirecte. Il s'agit, en s'attaquant au chemin de fer, aux colonnes de ravitaillement ou au réseau de postes militaires, de refuser la confrontation frontale avec les puissantes divisions ottomanes et, in fine, de les affaiblir progressivement. Ce harcèlement aura un effet sur les capacités opérationnelles de l'adversaire mais surtout sur son moral et sa liberté d'action. Les Arabes appuyés par les Français comme les Britanniques concentrent les efforts sur de courtes périodes et des objectifs à leur portée tout en économisant les moyens en attendant le début de l'année 1918, date à laquelle les Turcs commencent à se replier vers le nord alors que l'armée du Chérif paraît plus puissante, plus organisée et mieux équipée. Dans ce cadre, les "détachements français" du capitaine Pisani ou du capitaine Raho apportent avec eux des savoir-faire opérationnels irremplaçables en génie et en artillerie. Ils inventent la technique dite du "repiquage de tulipes" pour frapper la voie ferrée du Hedjaz. Cela consiste à positionner une petite charge explosive tous les 10 mètres sur 1 à 2 km afin de faire sauter en simultanée une grande longueur de rails. Face à de tels sabotages, les Turcs sont contraints de mener des travaux longs et épuisants tout en fixant de gros effectifs de soldats sur ces chantiers. En artillerie, d'abord les canons français de 80mm puis ceux de 65mm seront des atouts précieux dans la guerre de mouvement vers Damas ou les sièges de Maan comme de Médine. Utilisée comme défense anti-aérienne de circonstance face à l'aviation ennemie, l'artillerie  obligera cette dernière à bombarder les Chériféens depuis des altitudes élevées et donc, sans aucune précision.
En échange, les Arabes apportent aux militaires français et anglais leur connaissance du terrain, leur mobilité dans un milieu difficile, leur confiance en eux et leur "courage intelligent". Pour Lawrence d'Arabie :"leur force croissait avec leur dispersion". C'est d'ailleurs ce qui est recherché aujourd'hui avec l'infovalorisation et des programmes de type Scorpion (http://www.defense.gouv.fr/terre/equipements/scorpion/le-programme-scorpion). Bremond comme Lawrence comparent d'ailleurs les opérations dans le Hedjaz à des manœuvres navales du fait des modes d'action basés sur la mobilité, l'ubiquité, l'indépendance vis-à-vis des bases et des lignes de communication, sur le dédain des accidents du terrain, des aires stratégiques, des directions ou points fixes : "Qui est maître de la mer est plus libre : il peut accepter ou refuser la guerre à sa guise. nous étions maîtres du désert" (Sept piliers de la sagesse).
Ainsi, comme en Afghanistan hier, en Afrique aujourd'hui, la mission militaire française au Hedjaz menait déjà de l'assistance militaire opérationnelle, tels des DLAO ou OMLT modernes. Participant à la formation de l'armée de Hussein ou de la Légion d'Orient, les cadres et soldats français ont permis à une jeune force militaire de gagner en maturité et en expérience. Nos anciens nous ont montré la voie et sont des ressources inépuisables d'enseignements tactiques et d'exemples à suivre.
  

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