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samedi 28 mai 2016

La première guerre mondiale au jour le jour : mars à mai 1916. (2/2)

 
Le lieutenant-colonel Rousset poursuit sa description des combats sur tous les fronts au cours du printemps 1916. La bataille de Verdun continue avec quelques pans de terrain repris aux Allemands par une attaque brusquée française au sud de Douaumont le 15 avril mais sans effet majeur sur l'évolution des opérations. Dans le Caucase, les Russes bousculent une fois de plus  les Turcs sur la rive gauche du Kara-Déré alors que les Italiens, près du lac de Garde  (pentes du Monte Sperone), avancent lentement. Dans le même temps, les Autrichiens contre-attaquent sans succès avec 14 bataillons dans la vallée de la Brenta.

Notre témoin y voit l'affaiblissement de la Triplice même si l'armée allemande, sur le front français peut encore compter sur 40 divisions, c'est à dire 500 000 fusils et plus de 3000 canons répartis en 3 armées. Etonnamment, la plus forte d'entre elles, la 6ème, n'est pas celle qui attaque Verdun mais celle qui s'étend du sud d'Ypres au sud d'Arras sur le front d'Artois. Le chroniqueur met également en avant le fait que de nombreuses parties du front sont, finalement, faiblement tenues. Dans ce cadre, l'absence de réserves opératives conséquentes, et l'incapacité des belligérants à créer la surprise  par une concentration des efforts rapides, empêchent de débloquer la situation militaire d'un côté comme de l'autre. D'ailleurs ,les troupes de Berlin s'acharnent sur le point dur que représente Verdun en y attaquant, le 17 avril, avec 5 divisions sur un front de 4 km après une lourde préparation d'artillerie, de la vallée de la Meuse au sud du village de Douaumont. C'est un carnage, les vagues d'assaut sont brisées par les mitrailleuses et tirs de barrage français. Pourtant, le Konprinz ordonne, par trois fois, de relancer l'offensive le 18 mai dans la matinée, en particulier sur les Eparges et ce, pour un gain qui ne dépasse pas 200 mètres. Pour le lieutenant-colonel Rousset, c'est un bras de fer psychologique qui se joue dans la Meuse : "Chaque assaut manqué apporte aux Allemands une diminution de prestige, de force et de confiance. Je ne parle même pas de leurs sacrifices matériels qui, cependant sont énormes. Mais comment résister indéfiniment à cette série de commotions déprimantes qui, en se succédant à de si courts intervalles, produisent dans l'organisme, même le plus robuste, un affaissement irréparable et des désordres qu'on ne peut plus corriger ?" On perçoit ici l'importance des forces morales, de la faculté de résilience qui contribuent au succès ou, à l'inverse, à l'effondrement total. 
De l'autre côté de l'Europe, les Russes prennent le port de Trébizonde sur la Mer Noire et démontrent leurs qualités tactiques malgré leurs faibles moyens matériels. D'ailleurs, à  Marseille, le 20 avril, le premier contingent des armées du Tsar arrive pour se battre au côtés des Alliés en France. Il s'illustreront notamment au fort de la Pompelle ou près de Suippes (on trouve encore aujourd'hui des cimetières et chapelles en leur hommage) ainsi que dans la Marne. En Mésopotamie, les Anglais utilisent la rivière pour y employer des bateaux vapeur convertis en bases de feu de circonstance mais, le 23 avril, le général Lake échoue devant Sanna-I-Yat, notamment du fait des nombreux marécages qui deviennent des obstacles de manœuvre insurmontables avec les pluies diluviennes de la saison. 
Les Turcs, à leur tour, cherchent à mettre en pratique l'approche indirecte et s'attaquent aux postes anglais qui défendent le canal de Suez au nord du Sinaï (à Katia et Dueidar). Les forces britanniques parviennent in extremis à briser cet effort.  
Les tactiques défensives et la guerre de position s'appliquent également en montagne, sur le front italien notamment, avec toutes les spécificités de ce milieu. Les soldats se fortifient ainsi au Passo della Sentinella à près de 2 717 mètres d'altitude ou attaquent l'ennemi à 3000 mètres d'altitude pour s'emparer de cols stratégiques.
Alors que les duels d'artillerie et les coups de main su succèdent à Verdun presque quotidiennement (en particulier autour de la côte 304), les Allemands tâtent le terrain sur le front tenu par les Anglais à Ypres, Saint Eloi, entre Freinghien et Armentières, à Lens ou encore dans les zones de la Lys et de Loos.
Le 27 avril, trois dirigeables français, capacité davantage utilisée par l'adversaire, bombardent les gares d'Etain, de Bernsdorf et d'Arnaville, points de transit et de dépôt de la logistique allemande pour tenter de fragiliser les arrières de Berlin. En Irak, à Kut El Mara, le général Tonwnsend, encerclé depuis 143 jours, est contraint de se rendre avec 2970 soldats britanniques et 6000 combattants indiens. En Egypte occidentale, des patrouilles alliées parcourent le désert dans des automobiles blindées pour s'emparer des dépôts cachés. C'est en quelque sorte la répétition de l'action des SAS harcelant les arrières des Italiens comme de l'Afrika Korps en 1942-43.
Fin avril et début mai, les Français regagnent près de 1000 mètres sur les pentes du Mort Homme au-dessus de Verdun et les aviateurs peuvent comptabiliser 31 avions ennemis abattus. L'auteur décrit les chiffres officiels des pertes allemandes (955ème liste en date du 28 avril) qui montre déjà, en 1916, l'ampleur du désastre humain du premier conflit mondial au moins pour ce belligérant : 712 515 tués, 1 761 115 blessés, 363 642 disparus (pour les officiers allemand il s'agit entre autre de 22 636 tués, 43 334 blessés et 3762 disparus). Malgré tout, du 4 au 8 mai, les Allemands, appuyés par leur artillerie lourde (qui bouleverse les positions) concentrent leurs efforts dans les tranchées verdunoises entre la côte 304 et le Mort Homme où ils prennent pieds (sans s'y maintenir) malgré la résistance héroïque française, en particulier aux alentours du bois d'Houdromont.
Des troupes de l'ANZAC rentrées des Dardanelles, rejoignent les Anglais en France, les Russes ne sont plus qu'à 160 km de Bagdad et les Alliés (troupes belges du colonel Molitor) s'emparent, en Afrique, de Kigali, capitale du Rwanda allemand. Bien plus loin, l'armée française a mené à bien une mission d'assistance militaire opérationnelle (pour utiliser un terme contemporain) en achevant, à Corfou, la réorganisation de l'armée serbe (mission militaire du général Mondésir). Le 13 mai, le lieutenant-colonel Rousset se fait l'écho du manque d'artillerie lourde en France pour s'opposer à celle de Berlin qui permet aux Allemands de mener leurs attaques.
Le 15 mai, en Mésopotamie, les Russes font jonction avec les Britanniques après avoir pris Mossoul. Du 16 au 19 mai, les Italiens sont contraints de reculer momentanément dans le Trentin (vallées de l'Arsa, de l'Astico et de l'Assa) et sur les positions de Zugna-Torta face à l'attaque autrichienne et la puissance des feux mises en œuvre. A partir du 20 mai, deux divisions allemandes fraîches lancent une attaque générale à Verdun avec des assauts répétés, de jour comme de nuit, sur le Mort Homme et les deux rives de la Meuse. Les Français y appliquent une tactique défensive solide même s'ils perdent du terrain face aux masses compactes allemandes alors que ,vers le Fort de Douaumont, ils renouent avec l'offensive, chassant leurs adversaires de cette position dès le 22 mai, d'abord avec succès. Malheureusement, la division Mangin doit de nouveau reculer le 24 mai face aux contre-attaques bavaroises. Dans le même temps, au 26 mai, les troupes italiennes subissent une nouvelle progression des Autrichiens et se replient au sud de la route de Vicence et dans la vallée de la Léogra. Cette manœuvre, bien menée par les Austro-hongrois, compromet la situation de troupes de Victor Emmanuel à Arsiero qui sont déjà menacées de front par le perte du Monte-Maggio. En quelques jours, l'initiative et le succès semblent avoir changé de camp. La puissance de l'artillerie devient un point clé et transforme le champ de bataille de Verdun en enfer sans discontinuer.
Sur mer, le 31 mai, débute la bataille navale du Jutland qui va faire de lourdes pertes des deux côtes, l'été s'annonçant, une fois de plus meurtrier.  

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