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samedi 21 mai 2016

La première guerre mondiale au jour le jour : mars à mai 1916. (1/2)

 
Nous revenons sur le témoignage du lieutenant-colonel Rousset qui commente, au jour le jour, le premier conflit mondial avec ces mois de mars à mai 1916 où la bataille de Verdun, notamment, fait rage depuis plusieurs jours. Ainsi, les 1er et 2 mars, sur les côtes de Meuse, une accalmie semble avoir lieu, les Allemands relevant leurs unités épuisées ou décimées. D'ailleurs, un prisonnier allemand témoigne : " le 21 février, alors que ma compagnie n'avait pas encore été engagée, elle comptait 200 fusils. Vingt-quatre heures plus tard, elle était réduite à un officier et 70 hommes. C'est miracle que mes camarades et moi-même ayons échappé au massacre. Le feu de l'artillerie et la précision du tir de l'infanterie française ont causé de semblables ravages dans presque toutes les autres compagnies".
Le président de la République se rend à Revigny pour rendre hommage aux hommes (adjudant Grameling et ses canonniers) qui ont abattu, avec leur autocanon, le zeppelin ennemi L-Z 77. Dans le Caucase, les Russes poursuivent leur progression dans des conditions difficiles (neige et froid), prennent la ville de Bitlis au sud du lac de Van (affluent du Tigre) et s'ouvrent alors la route de Bagdad.

Parallèlement un corps d'armée russe, débarqué sur les bords de la Mer Noire, tente de prendre les Ottomans à revers. Cette manœuvre amphibie très audacieuse est assez innovante pour l'époque et n'est pas sans rappeler ce que Mac Arthur fera à Inchon 40 ans plus tard.
A compter du 3 mars, autour de Verdun, les bombardements s'intensifient sur les deux rives de la Meuse et le village de Douaumont continue à être le théâtre d'une lutte d'infanterie qui devient, d'heure en heure, plus acharnée encore. Côté français, ce sont les "prouesses de nos mitrailleurs" qui sont mis en avant et qui semblent avoir permis de stopper l'avance adverse. Néanmoins, le 6 mars, les troupes allemandes relancent leur offensive sur la rive gauche de la Meuse (Bethincourt, les Forges) avec des coups de boutoirs successifs alors qu'en Champagne, elles utilisent déjà des lance flammes contre les tranchées du mont Têtu et du hameau de Maisons-de-Champagne.
Le 7 mars, en Mésopotamie, le général Aymer tente sans succès de s'emparer d'Es-Sinn sur la rive droite du Tigre et ce pour s'approcher de Kut El Mara où ses compatriotes sont encerclés. En France, chaque jour, la bataille de Verdun apporte son lot de combats sanglants, de journées meurtrières et de nuits terribles. Les pertes allemandes vont croissantes pour des résultats faibles (bois des corbeaux, village de Vaux) malgré d'importants effectifs engagés, sur de petits compartiments de terrain. Le 12 mars, le sous-lieutenant Guynemer abat son 8ème avion et le 14 mars l'observateur d'un ballon captif, dont le câble s'est rompu, saute en parachute à 3 000 mètre d'altitude, première opérationnelle pour ce dispositif de secours.
Avec Verdun, les feux indirects sont au cœur de la confrontation, permettant même une certaine forme de principes d'économie des moyens et de concentration des efforts : "depuis trois jours, on est au calme dans la région de Verdun. Calme relatif d'ailleurs, car l'artillerie ne s'est point apaisée : calme pesant aussi, comme celui qui précède l'orage." Du 16 au 19 mars, près de 5 attaques des Allemands sont lancées sur le Mort Homme et sur Vaux alors même que les canons du Konprinz frappent dans la profondeur avec des pièces de gros calibres (450 obus) sur la ville de Saint-Dié, nœud logistique français.
Le 19 mars, en Perse, les Russes entrent dans Ispahan pendant que sur les côtes britanniques l'aviation allemande poursuit ses incursions dans la profondeur stratégique avec 4 hydravions (la semaine précédente il s'agissait de trois dirigeables, puis de 7 au début avril). Il y a bien une stratégie aérienne de Berlin pour affaiblir et porter la menace au cœur du territoire des alliés.
Le 20 mars, la bataille de Verdun voit de fait son intensité se poursuivre avec un bombardement intense de pièces de gros calibre et l'assaut d'une division récemment arrivée sur ce secteur (troupes fraîches) entre Avocourt et Malancourt : "en avant des vagues d'assaut, courent des groupes de soldats munis d'appareils à liquides enflammés. Nos tirs de barrage et nos feux de mitrailleuses font subir aux assaillants de fortes pertes ; ils parviennent cependant à progresser dans la partie est du bois de Malancourt". Cette confrontation, que l'on sait terrible et encore longue aujourd'hui, prend de l'ampleur tant dans les effectifs engagés que dans la violence et les moyens déployés au fur et à mesure du durcissement des volontés des deux belligérants. Le même jour,  50 aéronefs alliés bombardent les installations des sous-marins de Zeebruge, les U-Boot allemands faisant en effet de lourdes pertes aux bâtiments de guerre français comme britanniques mais aussi aux paquebots comme le "Sussex", torpillé le 24 mars 1916. A noter que cette guerre aérienne que se livre les deux ennemis, y compris par des bombardements stratégiques (attaque des hydravions anglais dans le Schlesswig Holstein le 25 mars pour détruire une usine à zeppelins) est rarement évoquée pour la première guerre mondiale alors qu'elle préfigure ce que l'Eurpoe et le Japon vivront entre 1939 et 1945.
Après 7 jours sans assaut d'infanterie mais ponctués uniquement de feux indirects près de Verdun, les Allemands cherchent à prendre de vive force le Mort-Homme le 28 mars mais doivent faire face, le lendemain, à une contre attaque française violente. Les assauts sont répétés le 30 mars et les positions âprement disputées au bois d'Avocourt comme à Douaumont et dans les ruines de Malancourt (conquises). Les troupes du Konprinz se jettent de nouveau dans le combat avec des succès répétés les 1 et 2 avril à Vaux, dans le bois de la Caillette comme aux abords du fort de Douaumont et ce, malgré la défense héroïque des Français. Le lieutenant-colonel Rousset détaille ainsi le "modus operandi" allemand : "les artilleurs ennemis avaient pour mission d'effectuer sur les objectifs visés un bombardement d'une violence inouïe mais relativement court. Aucun pouce de terrain ne devait être épargné (...) Pendant ce temps, un sous-officier d'artillerie était chargé de construire hâtivement une ligne téléphonique entre les deux réseaux de fils de fer des adversaires, sur une partie du front repérée et canonnée d'une façon spéciale. le rôle du sous-officier était de profiter du bombardement général pour s'approcher de notre parallèle de départ sans être aperçu et de relier son fil conducteur à nos fils téléphoniques, afin de surprendre nos communications. Avant que l'attaque d'infanterie ne fut déclenchée, le commandement allemand lançait de forte reconnaissances, constituées d'officiers et d'une cinquantaine d'hommes. Ces patrouilles s'avançaient vers nos lignes pour s'assurer que le bombardement avait donné les résultats espérés. Si les prévisions étaient réalisées, l'attaque était aussitôt ordonnée. L'infanterie se lançait alors à l'assaut en vagues successives, distantes de 80 à 100 mètres les unes des autres. (...) Chaque unité avait un objectif , limité à l'avance, où elle devait s'arrêter sans jamais le dépasser. La progression ultérieure était laissée à des corps de réserve (...) Les régiments d'infanterie avaient l'ordre de ne pas s'acharner, sous aucun prétexte, contre des positions qui n'étaient pas suffisamment bouleversées par les obus ; ils ne devaient jamais chercher à vaincre les résistances non brisées par l'artillerie (...) ". On est loin de l'image d'Epinal d'assauts aveugles lancées sans volonté d'économiser la ressource. Néanmoins, à Verdun, on se bat, au corps à corps, à la grenade, pour quelques mètres, quelques hameaux détruits ou des boyaux humides, et les pertes sont terribles.
A l'est, les Russes tentent de relancer l'offensive et de retrouver l'initiative, notamment avec la nomination du général Broussilov à la tête des armées de Galicie le 4 avril.
Du 8 au 13 avril, les Allemands font, une fois de plus, effort sur les deux rives de la Meuse avec pour objectif majeur le Mort Homme mais la résistance de la garnison française de Pétain est remarquable. Le général français en fait d'ailleurs part dans son ordre du jour du 10 avril :"Le 9 avril est une journée glorieuse pour nos armes. Les assauts furieux des soldats du konprinz ont été partout brisés : fantassins, artilleurs, sapeurs, aviateurs de la 2ème armée ont rivalisé d'héroïsme. Honneur à tous ! Les Allemands attaqueront sans doute encore ; que chacun travaille et veille pour obtenir le même succès qu'hier... Courage, on les aura !"
A partir de la mi-avril, la campagne sur le front italien semble reprendre de la vigueur et voir des opérations majeures en préparation.
A suivre...

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