Contexte :
La
paix de Tilsit rompue, Napoléon rassemble ses forces avec près de 600 000 hommes
et environ 1000 canons et franchit le Niémen le 24 juin 1812 pour envahir la
Russie. La Grande Armée composée essentiellement de contingents étrangers ne
tarde pas à perdre de nombreux effectifs dans les steppes russes d’autant que les
troupes du Tsar, aux ordres de Bagration et de Barclay de Tolly, refusent le
combat pour reculer en bon ordre et afin de pratiquer la politique de la « terre brulée ». Les Français
échouent à encercler leurs ennemis devant Smolensk et s’enfoncent un peu plus
vers Moscou. Le maréchal Koutouzov prend alors le commandement de l’armée russe
et s’installe sous les hauteurs de Borodino, début septembre, pour combattre
Napoléon.
Forces en
présence :
Français : 130 000
combattants dont 102 000 fantassins, 28 000 cavaliers et 587 canons.
Russes : 121 000
hommes dont 96 000 fantassins, 24 500 cavaliers et 640 canons.
Déroulement :
Phase
préliminaire :
Les
Russes s’installent sur le plateau de Borodino et valorisent leur ligne
défensive avec des redoutes (grande redoute dite « redoute Bagration » et redoute de Schwardino) ainsi que
par des points d’appui (hérissés de pièces d’artillerie) que constituent les « flèches » de Semenovskoïe. Le
dispositif est également couvert à droite par les escarpements de la rivière
Kolotscha alors que l’aile gauche est affaiblie. Koutouzov renforce son centre
avec la réserve du grand-duc Constantin et dispose, en arrière, sa cavalerie (Platov
et Uvarov) tout comme ses « nuées de
cosaques » à l’extrême droite.
Napoléon,
quant à lui, est persuadé que cette bataille sera décisive et choisit une
attaque frontale (effort sur les « flèches »)
avec un débordement de la cavalerie de Poniatowski à gauche pour repousser les
Russes dans un cul de sac (formé par la Moskova et la Kolotscha). Pourtant,
Davout lui a proposé une attaque en souplesse avec un débordement nocturne et à
couvert (forêt) par le sud et ce, pour surprendre les arrières adverses. L’empereur
refuse cette option, craignant de manquer d’hommes et comptant sur sa puissance
de feu.
Phase 1 : l’attaque française se heurte à la
résistance russe.
Le
7 septembre à 6 heures l’artillerie française déclenche un tir puissant d’une centaine
de pièces mais, rapidement, ces canons, mal positionnés, sont hors de portée et
mettent beaucoup de temps à changer de position, privant l’infanterie de son
appui. A gauche, Eugène enlève Borodino mais ne peut progresser davantage alors
qu’il est le pivot du plan de Napoléon. Davout peine devant les « flèches » prises seulement après
les charges répétées des cavaliers de Murat contre les retranchements russes et
grâce au soutien spontané de Ney.
A
10 heures, les feux se concentrent sur la grande redoute conquise de haute
lutte par le général Morand qui s’est infiltré par la Kolotscha. Mais les
réserves de Koutouzov contre-attaquent et reprennent la position tout en
tentant de repousser les Français près des « flèches ». Napoléon engage à son tour son élément réservé, les
divisions Friant et Marchand, qui traînent 80 canons de l’autre côté du ravin
de Semenovskoïe. Ces unités se déploient alors en carrés et résistent
farouchement aux assauts de Bagration.
Phase 2 : la résistance russe faiblit.
A
13 heures, de nombreux maréchaux et généraux français sont blessés comme Davout,
Montbrun et Rapp mais l’armée russe semble plier sous les assauts de Napoléon,
d’autant que Poniatowski finit par enlever les hauteurs d’Oulitza. Napoléon
refuse d’engager la Garde pour exploiter ces succès et décide de positionner
300 pièces d’artillerie face à la Grande redoute tout en faisant charger sa
cavalerie de part et d’autre. Les combats sont terribles, Caulaincourt prend la
position retranchée avec ses cuirassiers avant de mourir, pendant que
Latour-Maubourg affronte les chevaliers gardes du Tsar dans un combat où 50
escadrons s’affrontent. La bataille est indécise même si Bagration tombe à son
tour et échoue à reconquérir le terrain perdu le matin.
Phase 3 : L’armée russe se dérobe.
Napoléon
refuse toujours d’engager la Garde, son ultime réserve, et demande au général
Sorbier de canonner sans relâche les Russes qui refusent de quitter le champ de
bataille car conscients d’être le dernier rempart devant Moscou. A la nuit
tombée, la situation se fige et Koutouzov décide de se replier, en bon ordre,
avec ce qui reste de son armée avant que celle-ci ne soit anéantie. Napoléon,
pour sa part, pense pouvoir relancer son action le lendemain. Néanmoins, le
commandant russe sait que les Français sont loin de leurs bases et qu’il pourra
les harceler avant de reprendre l’offensive. Au petit matin, la Grande Armée n’a
plus d’obstacles devant elle et franchit la Moskova pour atteindre Moscou le 14
septembre 1812.
Bilan :
Les
Russes perdent 43 000 hommes blessés ou tués (ainsi que 60 canons
seulement) et les Français déplorent 27 000 combattants hors de combat.
Napoléon voit 48 de ses généraux blessés ou morts, son armée affaiblie, manquant
de logistique. Loin d’être décisive, cette bataille semble annoncer la
catastrophique retraite à venir.
Enseignements :
-Les
Russes valorisent leur ligne défensive avec des points d’appui fortifiés et
pourvus d’artillerie et ils raisonnent leur engagement avec les avantages du
terrain (plateau, escarpements, rivière).
-Russes
comme Français constituent des réserves pour pouvoir réagir aux évolutions de
la situation.
-Napoléon
choisit, à mauvais escient, un mode d’action frontal au détriment d’une
infiltration proposée par Davout alors qu’il arrive face à un ennemi installé et
qu’il ne dispose pas d’un rapport de forces favorable (y compris en canons). Il
perd ainsi sa liberté d’action.
-Napoléon,
de manière surprenante, conduit mal ses reconnaissances car il ne décèle pas
les faiblesses russes sur leur flanc gauche et positionne médiocrement son
artillerie face aux « flèches ».
Il ne peut alors concentrer son effort que sur le centre adverse, point de plus
forte résistance.
-Les
contre-attaques russes sont efficaces car elles empêchent les Français d’exploiter
leurs gains territoriaux, d’autant que Napoléon refuse d’engager la Garde, l’initiative
demeurant donc, pour un temps, à Koutouzov..
-Friant
ne résiste à Bagration que parce qu’il a imposé à son infanterie l’accompagnement
de canons, malgré un terrain difficile, raisonnant selon une économie des
moyens adaptée à la menace.
-Les
Russes ont compris que le centre de gravité de Napoléon était le temps et
saisissent l’opportunité de se dérober à la Grande Armée malgré les
bombardements et une défaite tactique.
-L’initiative
des maréchaux et des généraux pallient
les hésitations de Napoléon tant par les choix tactiques (infiltrations) que
par les appuis mutuels (Murat et Davout).
-Cette
bataille illustre également la nécessité d’exploiter les succès tactiques dans
le cadre d’une campagne, Napoléon manquant, à cette occasion, d’une vision
opérative des combats, alors que Koutouzov s’inscrit dans le moyen terme en
préservant son outil militaire de l’anéantissement.
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