Conformément
aux plans du général Séré de Rivières, que nous avons déjà évoqué à l’occasion
d’un article sur la poliorcétique, ce fort fut construit en 1883 pour compléter
la ceinture fortifiée de Reims. Doté initialement de 6 canons de 155mm (modèle
1877 de Bange), de 4 canons de 138mm, de pièces de flanquement et de
mitrailleuses, l’ensemble servi par 277 artilleurs, il fut désarmé avant la
première guerre mondiale.
Néanmoins, il est occupé par les Allemands, le 4 septembre 1914, avant d’être reconquis, après la bataille de la Marne, par le 138ème régiment d’infanterie, le 24 septembre, de la même année. Il devient alors la clé de voûte de la défense du secteur de Reims.
Pièce
principale d’un dispositif défensif convoité par les forces allemandes, il
résistera pendant quatre ans sous l’impulsion d’un chef militaire illustre
mais également avec l’appui de moyens
feux originaux ou encore, grâce à la bravoure des brigades spéciales impériales
russes déployées sur place en 1916. Ce site est aujourd’hui un remarquable lieu
de mémoire pourvu de pièces d’époque rares.
1-L’action du
chef.
Pendant
4 ans, les troupes de Berlin vont multiplier les assauts contre le fort dont
les structures seront bouleversées par les bombardements, les mines, les
attaques de chars (très rares du côté allemand), les vagues d’infanterie et les
attaques au gaz. Les fantassins et artilleurs français qui y sont retranchés
vont résister sous l’impulsion du général Gouraud qui commande la 4ème
armée française entre1915 et décembre 1916 dans le secteur sud de Reims. Proche
de ses hommes, charismatique, il imprime à son unité le sens du sacrifice et
une opiniâtreté remarquée. Il revient à la tête de cette armée en juin 1917
pour être l’artisan, de la victoire face à la dernière offensive et percée
allemande de juillet 1918 (opérations de Ludendorff et d’Hindenburg avec les
Stoss Truppen). Il contre-attaque ensuite à la fin septembre en direction de Sedan.
En
effet, le 14 juillet dans la nuit, un commando de 5 hommes conduit par le
lieutenant Balestier capture plusieurs soldats allemands dans leurs lignes. Ces
captifs font état d’une attaque violente ennemie planifiée pour le lendemain à
00h15 avec une forte préparation d’artillerie. Le général Gouraud, fort de ce
renseignement, pourtant invérifiable, décide de saisir l’opportunité pour
surprendre les Allemands. Il fait évacuer les premières lignes et se replie sur
une ligne intermédiaire. L’assaut adverse a bien lieu mais s’émousse en tombant
sur des positions vides puis face à la puissante contre-attaque française qui peut compter sur l’appui de la garnison
du fort de la Pompelle.
2-Des défenses
originales.
Le
fort est appuyé par l’aviation de combat qui se développe et
protège le ciel au-dessus de la Pompelle, en particulier, en écartant les
observateurs d’artillerie allemands embarqués. D’ailleurs, René Dorme, un des
as français (23 victoires homologuées) trouve la mort à proximité du fort. Mais
surtout, étonnamment, la défense de cette position majeure est confiée, en
partie pour l’appui feu, à la marine nationale. En fait, pour assurer un
complément d’appui d’artillerie à la forteresse, l’état-major fait appel aux
canonnières fluviales de la marine. Ainsi, de septembre 1915 à septembre 1917,
les 3 batteries (4 canonnières par unité) de la flottille du capitaine Schwerer
se relaient sur le canal de l’Aisne à la Marne et se mettent à l’abri, entre chaque
tir, dans le souterrain du Mont-de-Billy notamment, quand l’artillerie allemande
riposte. L’utilisation de la dimension fluviale souvent évoquée dans la
doctrine contemporaine mais peu mise en œuvre (du moins depuis la guerre du
Vietnam et les unités du delta du Mekong) est une tactique payante pendant la
première guerre mondiale. En effet, aucun navire ne fut détruit, y compris
quand les Allemands tentèrent de bombarder les écluses pour assécher le canal. Ces bâtiments furent effectivement redoutables par la puissance de leur tir autour du
fort de la Pompelle. Ces bateaux, avec leur équipage de 20 marins, étaient
équipés d’un canon de 140mm (portée 15km) et de deux canons anti-aériens de
37mm. Longs de 28,5m, larges de 5m et pesant 110 tonnes, ils pouvaient être
très mobiles grâce aux deux chaudières qui les propulsaient.
Enfin,
si 180 régiments se succédèrent dans le fort, il faut noter l’action remarquée
de deux brigades spéciales russes en 1916 qui défendront avec bravoure cette
position au prix de lourdes pertes.
3-Le fort
aujourd’hui.
Abandonné
pendant 40 ans, le fort fut racheté par la Fédération Nationale André Maginot
en 1955 avant d’être cédé à la ville de Reims dont le maire Jean Taittinger
écrivait en 1968 : « La ville
de Reims, reconnaissante du sacrifice des milliers de ses défenseurs, a décidé
que ce sol sacré ferait désormais partie du patrimoine de la Cité. Le nom du
fort de la Pompelle mérite d’être gravé pour l’éternité dans les annales de la
Patrie ». On peut aujourd’hui le visiter et y découvrir de nombreuses
salles consacrées à l’artillerie (canons de 75, « crapouillots »,…),
aux unités russes qui y servirent ou aux pilotes français. Mais le point
d’orgue reste l’étonnante collection unique qui regroupe 560 coiffures de
l’armée impériale allemande.
En
conclusion, le fort de la Pompelle demeure un exemple symbolique des édifices
défensifs de la première guerre mondiale et du rôle de ces forteresses pour
fixer un ennemi, briser ses offensives ou pour appuyer une contre-attaque.
Fixe, ce type de positions fortifiées permet également de faire appel à des
appuis particuliers depuis les cours d’eau ou la troisième dimension. Enfin,
cœur de la résistance française, ce fort met en exergue la personnalité et
l’audace du général Gouraud et rappelle l’apport des troupes alliées au cours
de ce conflit meurtrier.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire