Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

dimanche 14 octobre 2012

La tactique : histoire et fondements (3).


Nous continuons notre revue de la pensée tactique au travers de l'histoire militaire.
 
- Frontin, quand le stratège devient stratégiste.
 
Frontin, consul et général romain né en 40 après JC, aurait déjà écrit un ouvrage sur l'art de la guerre, livre malheureusement perdu. Heureusement, il rédige ensuite, pour illustrer ses considérations théoriques, "Strategematon" dont les références historiques s'appuient sur ses campagnes contre les Parthes en Asie. Il y défend un art militaire fondé sur la ruse et les stratagèmes.





Ces derniers sont classés par type de tactique à savoir , par chapitre :
- Réaliser un coup de main.
- Tromper les assiégés.
- Divers moyens de surprendre des places par trahison.
- Occasionner la disette chez les ennemis. 
- Faire croire qu'on veut continuer un siège.
- Ruiner les garnisons ennemies.
- Détourner le cours d'un fleuve et ôter l'eau à ses ennemis.
- Intimider les assiégés. 
- Porter l'attaque sur le point où on ne l'attend pas. 
- Faire donner les assiégés dans une embuscade.
- Feindre une retraite.
- Rendre les siens plus vigilants.
- Faire entrer et sortir un porteur de dépêches.
- Faire entrer du secours ou des vivres dans une place.
- Faire croire que l'on a ce dont on manque.
- Gagner ceux qui sont suspects ou pour s'en défaire. 
- Conduire des sorties.
- De la résolution des assiégés.
 

 
Les premières traductions en Europe ne sont réalisées successivement que par Jean de Rovroy en 1471 et par Nicolas Volcyr en 1536 mais elles influencent les militaires de la Renaissance confrontés à un état de guerre permanent sur le continent européen.
Enfin, à la fin de l'Antiquité, le Byzantin Nicéphore Phocas rédige en 390 son "Epitomae Rei Militari" où il défend son concept de "tactique indirecte"  notion proche de l'approche indirecte de Lidell Hart 17 siècles plus tard.
 
- Le Moyen-Age, une réflexion qui peine à emerger.
 
L'historien Olivier Hanne dans son ouvrage "De la guerre au Moyen Age" a tenté de réaliser une anthologie des écrits militaires de cette période. A sa lecture, on découvre que les auteurs sont plus des chroniqueurs, voire des témoins plutôt que des penseurs tactiques ou des analystes de l'évolution du combat. Les écrivains sont des religieux ou des nobles dont les livres, mais aussi la correspondance epistolaire, témoignent des batailles, des évolutions du combattant (dans son équipement, son recrutement ou son état d'esprit), des armements et parfois des modes d'action. On observe une prédominance de l'art du siège, des raids fulgurants, du développement des armes de jet comme des embuscades (pour défaire un ennemi protégé par son armure). La guerre est intimement liée aux forces morales, à l'efficacité logistique (les réserves de la forteresse ou la capacité à vivre sur le pays). En revanche, les grands chefs militaires tiennent à jour leurs effectifs et l'état de leur matériel à une époque où les effectifs se raréfient et où il est nécessaire de tenir de nombreux points d'appui dans les domaines seigneuriaux (controle de zone pour utiliser un terme contemporain). Ainsi, les documents comme "La prisée des sergents" de 1204 (état des soldats et charrettes du roi Philippe Auguste) ou "le compte des dépôts d'armes et de munitions" de 1202 sont révélateurs des préoccupations guerrières de l'époque.
Les chevaliers reviennent aux textes antiques pour y trouver des références et une éducation théorique à l'art de la guerre, à l'image de la traduction des oeuvres de Végèce en 1284 par Jean de Meung (traité "Sur la chose militaire") qui met en avant le rôle des archers, du recrutement ou de l'organisation des forces. En 1296, Gilles de Rome, conseiller de Philippe le Bel tente de revenir à la poliorcétique avec un écrit consacré au siège et à ses quatre méthodes : la soif, la faim, la bataille et l'assaut des murailles (avec les machine ou la technique de la sape). Les croisades démontrent de larges faiblesses tactiques dans la conduite des opérations face à des troupes orientales plus maneouvrières, cherchant le harcèlement quand elles ne sont pas supérieures numériquement (bataille d'Hattin).
Avec la guerre de cent ans, la "piétaille" prend le pas sur la chevalerie et quelques contemporains comme Andréa Redusius de Quéro dans son "Chronicon de Trévise" militent pour un emploi accru de l'artillerie (bombardes). Néanmoins, la pauvreté de la réflexion  tactique en dehors des combats dans et autour des foreteresses demeure criante.

- La renaissance de la tactique.

A un moment où les idées foisonnent en Europe dans tous les domaines (et en particulier dans les cités italiennes), Machiavel écrit son "Art de la guerre" en 1509. Il y défend les modes d'action liés à la ruse tout comme la recherche essentiel du renseignement avant le contact. Il rejette le principe d'économie des forces, son époque pouvant compter sur la ressource des nombreuses compagnies de mercenaires (les Condotierre). Deux siècles plus tard, en 1709, un célèbre militaire, le rival de Turenne, Montecuccoli, clôt cette période des pionniers de la tactique. Il formalise la réflexion dans ce domaine avec ses "principes de l'art militaire en général" avec un travail facilité par la guerre de trente ans où il est nécessaire de considérer les évolutions dans les armements comme dans les organisations pour vaincre. Il propose la prépondérance du groupement tactique (unités mélangeant infanterie, artillerie et cavalerie) sur l'emploi exclusive  des armes, développe le principe de liberté d'action pour le chef et celui d'économie (par le secret, la vitesse, la concentration des forces ou l'approche indirecte). Théoricien mais aussi praticien, il est le spécialiste des contremarches où son armée cherche à conserver l'ascendant sur l'adversaire en favorisant l'incertitude pour finalement  pousser l'ennemi à la faute en exploitant une vulnérabilité d'opportunité.

2.2 La grande évolution, l'âge d'or de la tactique (fin XVIIIème début XIXème siècle).

Les progrès de l'artillerie, l'émergence de nouvelles théories, l'influence de généraux brillants va faire de cette période l'âge d'or de la tactique et le fondement majeur des grands principes de l'engagement militaire sur le terrain.

A suivre...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire