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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

lundi 29 octobre 2012

La tactique : histoire et fondements (5).

 


Voici donc la suite de notre réflexion sur la tactique.


-Napoléon et ses disciples (suite).
 
Nous avons synthétisé la pensée napoléonienne mais nous reviendrons dans un prochain article sur sa vison tactique et ce, en illustrant notre propos au travers du remarquable ouvrage de Bruno Colson "Napoléon, de la guerre" que nous avions évoqué dans un post sur votre blog (dans la rubrique "A lire") il y a quelques mois (http://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/2012/02/citation-et-lecture-pour-initier-un.html).
Clausewitz, disciple contestataire, a servi et combattu Napoléon. Piètre tacticien sur le terrain, il se révèle néanmoins un remarquable penseur de la guerre dont il travaille à une définition et réfléchit à sa place dans la société ou la vie des Etats. Sur le plan de la tactique, il veut démontrer l'usure du système napoléonien qu'il qualifie de "finasseries".

Il prône la brutalité et la puissance de l'attaque qui, selon lui, sont bien supérieures à toutes habiltés manoeuvrières coûteuses en temps. Il affirme que les fortes positions défensives ne valent que si les directions sont bien choisies et que si les forces sont en mesure de repartir à l'offensive au plus vite. Se défendre ne peut être, dans son esprit, qu'une phase intermédiaire entre deux mouvements vers l'avant. Persuadé qu'on ne combat efficacement que par effet de masse sur un point donné, les marches enveloppantes (si chères à Napoléon comme à Rivoli ou Austerlitz) sont ainsi remplacées  par de courts débordements tactiques, mouvement qui se fait au détriment de tout intérêt pour la sûreté (essentielle dans la pensée impériale avec l'usage de la cavalerie légère en particulier).
Clausewitz laisse néanmoins des principes fondateurs du combat qui demeureront pertinents jusqu'à aujourd'hui. Dès lors, dans son propos, les forces morales sont centrales et fondent sa réflexion car il a pu observer, sur les champs de bataille, que la capacité de résistance psychologique du soldat, comme sa résilience, peuvent influer sur le cours des évènements (effondrements autrichiens successifs pendant la campagne d'Italie, résistance russe en 1812 malgré la défaite de Borodino). Il est le premier à définir clairement le concept de centre de gravité, métaphore de la clef de voûte du système adverse, élément qu'il faut atteindre pour s'assurer la victoire. Comme Napoléon, il structure le combat sous le prisme des lignes d'opération, des points décisifs qui n'ont pas encore le sens qu'on leur donne aujourd'hui mais qui déterminent la manoeuvre comme la logistique. Enfin, il défend la pertinence relative des leçons de l'histoire pour préparer les engagements futurs et théorise le brouillard de la guerre (qu'il faut accepter en préparant la bataille mais qu'il est nécessaire d'éclaircir par le renseignement ou la connaissance de l'ennemi) ainsi que les frictions (ces cas non conformes dont l'anticipation permettra de garder l'initiative).
Jomini, de son côté, fait figure d'ennemi intime de Clausewitz. Dans son livre "Précis de l'art de la guerre" en 1837, il analyse les raisons des succès de Napoléon et tente d'en extraire une théorie systémique, voire scientifique, presque géométrique de la tactique. Refusant tout affrontement frontal, ce militaire milite pour des actions sur les lignes de communication, propose l'emploi de diversions et d'un commandement de l'avant (pour maîtriser la conduite de l'action). Ses grands principes, au delà des idées de lignes d'opération et de centre de gravité qui ne font pas débat pour lui non plus, sont :
-la nécessité de prendre l'ascendant par le mouvement;
-la recherche de l'attaque du point faible;
-la combinaison de la force et de la mobilité dans l'offensive (Napoléon estimait déjà qu'il fallait multiplier la masse par la vitesse);
-la plus value des fausses attaques pour disperser l'ennemi;
-la recherche, non pas de la concentration des forces, mais de l'attaque sur deux points (les ailes par exemples);
-le besoin de reconnaître les positions adverses;
-la préoccupation du moral des troupes ainsi que de leur contrôle.
 
Il sera lu et compris, bien après la publication de son oeuvre, en particulier par les généraux de la guerre de sécession comme Lee, Sherman ou Grant.
 
2.3 La pregnance des forces morales et le tournant de la fin du XIXème siècle. 
 
Les campagnes militaires du milieu du XIXème siècle sont clairement les héritières des campagnes de la Révolution et de l'Empire tant dans leur conception que  dans leur conduite, surtout au regard de leur nature,  d'un côté face à des adversaires disymétriques (combats en Afrique du Nord, en Inde ou au Mexique), de l'autre contre des belligérants qui emploient les mêmes modes d'action (guerre en Crimée ou Italie). Il suffit de relire les récits des camps de Boulogne où sont entraînés les troupes françaises avant de partir pour la Russie entre 1854 et 1856 pour y voir l'organisation (corps d'armée) et l'emploi des différentes armes (cavalerie, artillerie) conformes aux canons clausewitziens.
Pourtant, peu avant 1870, suite à la guerre civile américaine (sur laquelle nous reviendrons), de nouveaux penseurs tentent de redynamiser la pensée tactique en Europe. C'est le cas du colonel Ardant du Picq qui, dans ses "Etudes sur le combat" cherche à mettre l'accent sur les forces morales et l'histoire militaire comme vecteurs de la victoire sur le terrain. Il veut ainsi imposer une éducation morale du soldat, développer la cohésion et le courage et ce, dans le but de prendre l'ascendant sur l'ennemi. Il décèdera à la tête de son bataillon en août 1870 face aux troupes allemandes. D'ailleurs, la guerre de 1870-71 n'est pas uniquement la débâcle tactico-opérative française décrite dans les livres d'histoire. En effet, l'armée française (celle du nord levée par le gouvernemnt Gambetta après la chute du second empire) résiste aux Prussiens et montre de belles facultés d'adaptation tactiques malgré un recrutement et un équipement disparates. Aussi, aux batailles d'Amiens ou de Bapaume, les Français renouent avec le combat interarmes, utilisant le génie pour freiner l'adversaire, construisant des retranchements pour le fixer ou encore appuyant les prises de contact successives avec l'artillerie. Entre chaque engagements les chefs militaires développent et réflechissent sur de nouveaux modes d'action (en particulier les coups de main et la guerrilla) avec, par exemple le "corps volant" du général Lecointe qui harcèle Manteuffell autour de Cambrai et permet des succès inattendus.
 
A suivre...
 

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