Poursuivons ce voyage dans l'histoire de la pensée tactique et de l'art de la guerre.
2.1 Les pionniers de la pensée tactique.
-Sun Tzu et l'héritage asiatique : des principes et des concepts.
La culture chinoise conserve une part d'ombre dans la mesure où tous les traducteurs de Sun Tzu par exemple ("L'art de la guerre") ont cherché à interpréter l'auteur en dévoyant parfois sa pensée avec bon nombre d'imprécisions. Aujourd'hui encore, les auteurs qui tentent de s'exprimer sur ce vieil écrit sombrent rapidement dans l'ésotérisme ou la philosophie pour leur approche polémologique. Pourtant, les principes de Sun Tzu relève souvent du bon sens et sont d'abord un cadre de pensée avant d'être une doctrine à appliquer stricto sensu.
Il en va de même pour d'autres auteurs asiatiques qu'ils soient japonais ou inconnus (comme ceux qui ont rédigé "Les 36 stratagèmes"). D'ailleurs, des constantes apparaissent dans l'évocation, en particulier, de l'importance accordée à la ruse, au renseignement, à la mobilité et à la logistique. L'esprit général de ces auteurs demeure construit avec une vision du combat basée sur la dialectique des volontés, à l'instar des 16 mots clés de la tactique chinoise mise en oeuvre pendant la guerre de Corée (1950-53) :"L'ennemi avance, nous retraitons; l'ennemi se retranche, nous le harassons; l'ennemi s'épuise, nous l'attaquons; l'ennemi retraite, nous le poursuivons".
D'après Yann Couderc qui anime le blog "Sun Tzu France", Sun Tzu a également largement influencé les écoles tactiques et stratégiques d'Amérique du Sud à l'occasion de la diffusion des doctrines insurrectionnelles des groupes de libération issus de la guerre froide.
-L'Antiquité, l'âge d'or de la tactique empirique et de l'âge héroique.
L'Antiquité, quant à elle, est perçue par des historiens comme John Keegan comme l'âge héroique au cours duquel la tactique est affaire de génies militaires voire d'autodidactes de la guerre. Les armées sont "ouvertes aux talents" des chefs réels mais aussi des généraux légendaires. Ces derniers ne sont finalement qu'une traduction artistique des fondements et des qualités attendus pour vaincre sur le champ de bataille.
Aussi, est-il nécessaire d'illustrer le propos en évoquant quelques figures et batailles célèbres de cette époque.
Alexandre le Grand, fidèle à son père Philippe de Macédoine, met en oeuvre "l'axe oblique" lors des combats de Gaugaméles (331 avant JC) afin d'étirer au maximum le front perse, affaiblir le centre de son ennemi avant d'engager sa cavalerie pour atteindre Darius et son escorte (qui s'enfuient entraînant la déroute des autres unités poutnat supérieures en nombre face aux Grecs).
D'autres, comme Xénophon, relatent leur expérience militaire dans des ouvrages comme "l'Anabase" qui font office de premiers traités de stratégie. Dans ce manuscrit, le commandant de l'arrière garde du général spartiate Cheirisophos détaille sa tactique de la retraite (mission de freinage ou défense élastique dirions nous aujourd'hui) avec ses "10 000" mercenaires grecs entre les plaines du Tigre et de l'Euphrate en 401 avant JC.
Ulysse, héros légendaire de l'Illiade, illustre, quant à lui, la ruse dans la guerre au travers du "cheval de Troie" alors qu'Hannibal (chef des Carthaginois pendant les guerres médiques) cultive "l'approche indirecte" (si chère à Liddell Hart au XXème siècle) ou le rôle central de la surprise comme de l'enveloppement (embuscade de Trasimène et bataille de Cannes victorieuses face aux troupes romaines).
Plus tard, César déploie ses talents à l'occasion de sa lutte contre les armées gauloises. Dans un premier temps, en prenant en compte le facteur culturel de son adversaire pour faire face à l'insurrection (corruption des chefs, exacerbation des rivalités inter-tribus), puis en jouant de l'influence de la communication (à l'époque son texte "La guerre des Gaules" est un formidable outil de propagande) pour enfin briller par la grande mobilité de ses légions et son art du siège, dont Alésia est le point d'orgue (Cf les articles sur la poliorcétique publiés sur ce blog).
A suivre...
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