Alors que les adversaires potentiels des théâtres d’opérations
contemporains semblent se limiter, pour le moment, à des combattants asymétriques
(comme le veut l’expression consacrée), il m’est apparu intéressant de revenir
sur ce que l’on a longtemps appelé les « Petites guerres ».
Ces dernières seront d’ailleurs également définies,
au cours des âges, comme des actions de pacification, du maintien de l’ordre,
de la contre-guérilla, de la contre rébellion et finalement, de la contre-insurrection.
Néanmoins, ce riche vocabulaire, ramené à une longue perspective historique et
militaire, recèle, certes des évolutions doctrinales, mais surtout une grande
continuité dans les modes d’action et les procédés de lutte face à un
adversaire dit irrégulier.
Le combat de l’insurgé revêt souvent de nombreuses
formes qu’il s’agira de développer et d’illustrer car il représente l’arme du
faible face au fort voire le défi des armées conventionnelles dominantes du
moment. Ainsi, il apparaît régulièrement dans les annales militaires, d’Aristote
à l’Afghanistan en passant par les Jacqueries du Moyen Age, les Camisards ou
encore les combats de la Grande Armée en Espagne comme les révolutions
coloniales ou communistes du XXème siècle.
Ces conflits seront tantôt à l’avantage des forces
modernes, tantôt à celui du « guérilléro »
et ce, en fonction des zones géographiques, des armes utilisées, des contextes
politico-militaires et des tactiques mises en œuvre.
Nous essaierons donc, dans les articles à venir, de
déterminer les caractéristiques de ces conflits avant d’étudier les différentes
écoles et courants de pensée de cette forme de guerre puis de conclure sur les
principes et fondements de la contre-insurrection portés par l’histoire.
Pour Rémy Porte, militaire et historien, « les forces insurgées se caractérisent
toujours par une aptitude particulière à s’adapter rapidement aux conditions du
moment ». La doctrine française actuelle définit les insurrections
comme les « activités d’un groupe ou
d’un mouvement organisé, souvent idéologiquement motivé, qui cherche à
provoquer le changement politique de l’autorité gouvernant un pays ou une
région. Ces activités sont centrées sur la persuasion ou la contrainte de la
population en employant la violence et la subversion ». D’autres pays
ou spécialistes préfèrent voir le soldat insurgé comme une organisation systémique complexe à
l’image des groupes mafieux ou des communautés sectaires. Plus tôt, des
personnalités comme Charles Calwell, au XIXème siècle, développent le concept
de « Petites guerres » pour
définir les conquêtes coloniales européennes face à des peuples chefs
militaires répartis de l’Afrique à l’Asie centrale et soutenus par des
guerriers mal équipés mais mobiles ou s’intégrant parfaitement au milieu et à
la population (armée du Mahdi au Soudan, Boers sud-africains, Turkmènes). L’insurrection
est ainsi toujours associée, y compris dans les écrits d’Aristote qui fait déjà référence à la subversion, aux
termes de guerrilla, de soulèvement, de révolte, de partisan, de libération
nationale, de Jihad, de Takfirisme, d’émeute, de terrorisme, de guerre
psychologique, de propagande ou de harcèlement. Dans toutes les acceptions, on
trouve la violence, le rapport de force, la recherche du déséquilibre de l’ordre
établi.
Dans ce cadre, on comprend aisément que l’action du
combattant irrégulier relève davantage de l’état d’esprit que d’une doctrine
clairement établie appuyée sur des procédés tactiques pérennes ou des
équipements et armements spécifiques. En effet, une instruction de l’ALN (armée
de libération nationale algérienne) préconisait déjà à ses combattants en 1957
que le « guérilléro doit être insaisissable
comme une anguille, mouvant comme le papillon dans l’espace, prompt comme le
tigre affamé ».
Ce soldat asymétrique trouve sa raison d’être dans
des causes multiples (ou associées) et ce, dans toute l’histoire. Sociologiques (inégalités, rivalités,
frustrations) comme les Chouans de 1795 face au pouvoir révolutionnaire, les
révoltes de gladiateurs sous l’Antiquité, les tribus gauloises divisées, les
membres de l’IRA irlandaise. Culturelles (ethnies, religions) comme les
Camisards entre 1702 et 1704, les Kurdes du PKK en Turquie, les Tigres Tamouls
au Sri Lanka, les Islamistes du Sahel. Géographiques (accès aux ressources,
migrations, invasions) comme les combattants de Casamance, les troupes zoulous
face aux Britanniques, les Indiens d’Amérique face à la conquête de l’Ouest.
Politiques comme les guerres du Vietnam ou d’Algérie, les guérilléros
sandinistes au Nicaragua et enfin, la Commune de Paris en 1871.
A suivre…
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