Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

samedi 15 août 2015

La tactique « françoise » : retour sur la pensée militaire de 1792, réformer pour gagner (1/2).

Cet article en deux parties nous ouvrira aux considérations des tacticiens qui profitent de la révolution française pour remodeler la manière d’ordonnancer des unités aux effectifs bien plus importants (c’est le début des armées de masse et de la Nation en armes décrites par Clauzewitz).
En effet, la réflexion sur l’art de la guerre n’a jamais quitté l’armée française, y compris pendant la troublante période révolutionnaire, où toutes les institutions ont été fragilisées, transformées et parfois laissées dans le dénuement le plus totale, mais qui a vu tout de même émerger des idées novatrices.

M. Dupuy-Lauron, maréchal des camps et des armées, rédige alors, en 1792, un ouvrage afin de proposer ses propres réflexions tactiques. Elles sont sensées compléter les décisions politiques de réorganisation et d’administration des forces militaires de l’assemblée constituante. Elles apparaissent très originales, en rupture complète avec l’époque et avec les habitudes européennes en la matière. Elles s’appuient pourtant sur un héritage riche avec des références à Turenne, Monteccucolli, aux phalanges grecques, aux légions romaines ou encore à Folard. Ce travail semble montrer que l’on peut faire preuve d’imagination en tactique sans rompre avec les grands principes mais en élaborant des modes d’action propres à surprendre l’adversaire. Regardons de plus près ses propositions …
Il veut ainsi redonner aux soldats français une doctrine spécifique, signe que la France est une grande Nation et qu’elle doit retrouver sa propre spécificité dans le domaine de la stratégie militaire : « Non seulement il est humiliant pour une grande nation de n’être que la servile imitatrice de tous les peuples ses voisins ; mais la honte et la gloire des armes, mais la ruine et la prospérité de l’état, tiennent encore, j’ose l’affirmer, j’ose l’affirmer, et tiennent absolument parmi nous à cette régénération et surtout à cette régénération militaire ». Déjà à l’époque, l’auteur s’interroge sur la prospérité de l’Etat pour subvenir à ses troupes (« économie des revenus publics »),  sur le contexte d’engagement international d’un pays pour choisir une organisation ad hoc. Il veut doter la France d’un nouveau « génie national ». En tactique, il regrette la recherche systématique de l’assaut par les Français qui ont laissé de côté, par exemple, les canons à longue portée. Il refuse l’uniformisation des armements à  l’échelle européenne qui annule les avantages des uns et des autres dans la mêlée. Il critique le manque de manœuvre et d’esprit interarmes (cavalerie sur les ailes et prima de l’infanterie, pas d’appui  mutuel entre les fonctions opérationnelles). Son crédo est donc de recréer, en plus de l’infanterie armée de fusils, une infanterie qui serait chargée d’aller au corps à corps avec des piques mais surtout armée de tridents (arme antique bien connue) afin de disloquer l’ennemi. Dupuy-Lauron propose en conséquence un nouveau déploiement, une nouvelle articulation, constitué d’une ligne de fusiliers (sur deux rangs), d’une ligne de tridentiers (en bataillons compactes et profonds), d’une ligne de cavalerie (en escadrons sur 3 échelons) et, sur les ailes, de pièces d’artillerie en appui. Enfin, des compagnies d’élite sont dispersées en essaim et sont capables de se porter sur tout le champ de bataille pour faire basculer une situation particulière.
Concernant les effectifs, il essaie de montrer que des armées trop nombreuses sont difficiles à manœuvrer (50 000 hommes pour une campagne serait la limite acceptable) mais qu’il faut néanmoins un « pied militaire » minimal en hommes pour qu’une armée nationale soit crédible. Ce seuil est issu d’études sérieuses conduites par plusieurs auteurs et se situe à 10 000 soldats pour chaque million d’habitants (aujourd’hui il faudrait donc, selon ce calcul, 640 000 combattants).
A suivre…

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