Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mardi 31 janvier 2012

"La guerre : pourquoi en parler encore ?": réflexions sur le colloque de l'Ecole de guerre...


Ce matin, a eu lieu un colloque à l'Ecole militaire qui a cherché à s'interroger sur la pertinence ou l'acceptation du mot "guerre" dans les sociétés occidentales ainsi que sur la place de l'outil militaire dans la politique, l'inconscient et le quotidien d'un pays comme la France. Les deux tables rondes, animées par Pierre Servent, journaliste spécialiste des questions de Défense, ont initié un débat entre un représentant des médias, Elisabeth Levy, un officier, le général Georgelin, un haut fonctionnaire, Louis Gautier et un parlementaire, Hervé Mariton.
Aussi, me paraît-il intéressant de replacer leurs propos et leurs convictions entendus ce matin dans une perspective historique, me permettant ainsi d'ouvrir la voie à la publication, dans les jours et semaines à venir, d'articles en lien avec cette problématique de la guerre dans sa globalité.


Ainsi, comme dans d'autres périodes plus anciennes, au XIXème siècle comme dans l'entre-deux guerres, les sociétés européennes ont l'impression de vivre dans un monde pacifié alors que leurs armées sont engagées sur de nombreux théâtres d'opération. Monsieur Gautier a d'ailleurs rappelé que, depuis 20 ans, la France avait participé à près de 100 engagements militaires. Quant au mot "guerre", il devient l'objet d'une rhétorique dite d'"euphémisation" pour être traduit par les qualificatifs de "campagnes aériennes", d"expéditions", de "missions humanitaires". Devenue taboue, la guerre a quitté le débat public car elle est perçue comme un traumatisme ou un sacrifice inacceptable. On retrouve dans cette analyse les écrits de Marc Bloch qui, dans son ouvrage "L'étrange défaite", dépeint l'affaiblissement français à la veille de la défaite de 1940.
Dans un autre registre, les intervenants ont souligné la présence de courants pacifistes et antimilitaristes qui influencent la perception des Français vis-à-vis de l'emploi de la force et de l'action des armées. Ce phénomène contemporain se retrouve bien dans l'histoire, entre 1871 et 1914, pendant les conflits de la décolonisation (Indochine, Algérie) ou de la Guerre froide (Vietnam, Amérique centrale) voire après la chute de l'URSS où certains parlaient de "dividendes de la paix". C'est ce que le général Cuche décrivait déjà en 2007 comme "le syndrome du corps expéditionnaire et de sa légitimité".
Monsieur Mariton a également souligné l'affaiblissement de l'enseignement de l'histoire à l'Ecole, investissement indispensable qui doit pourtant renforcer le lien armée-Nation et permettre de définir un patrimoine historique et culturel de valeurs pour lesquelles on est prêt à mourir et ce, dans un contexte où l'individualisme et la société de consommation ont pris le pas sur le sens de l'intérêt général. En miroir, on pourrait donc s'interroger sur les raisons qui ont motivé, malgré la rudesse des combats, les soldats du premier empire, ceux de la grande guerre ou encore les troupes engagées dans la pacification des colonies.
Le général Georgelin a, pour sa part, insisté sur la difficulté de paramétrer un outil militaire à l'heure où il est difficile de définir l'ennemi potentiel. Cet état de fait est prégnant pour la France qui, depuis 1989, a vu disparaître la menace d'une attaque d'envergure sur son territoire alors qu'historiquement, elle connaissait, jusqu'alors, son ennemi, des Anglais de la guerre de cent ans à l'Armée Rouge en passant par les Allemands de la Revanche. Dans ce cadre, le développement technologique va progressivement altérer l'art de la guerre tant la précision, l'instantanéité de l'information, les moyens de renseignement et la létalité des armes se sont considérablement accrus.
En revanche, certains thèmes ont été peu évoqués dans les débats. Il s'agit principalement des problématiques liées à la réserve opérationnelle, au statut et au cadre juridique d'emploi des militaires, à la judiciarisation de la guerre et aux formes futures des conflits à venir. Autant de sujets qui feront l'objet de publications dans "l'écho du champ de bataille".

Source image : Site internet de l'Ecole de guerre.

3 commentaires:

  1. bonsoir frederic,
    merci pour ce résumé qui permet de se faire une idée de ce colloque. Une question cependant : je m'interroge sur le sens de la phrase "l'évolution technologique va altérer l'art de la guerre". que faut-il entendre / sous entendre par le terme altérer... pourquoi pas modifier ?

    RépondreSupprimer
  2. car le mot altérer et plus doux que modifier

    RépondreSupprimer
  3. Effectivement c'est un lapsus de langage, j'aurai dû utiliser le terme "transformer" qui correspond davantage à l'esprit des propos du général Georgelin. En fait, je pense que c'est ma propre opinion qui transparaît dans mon vocabulaire car je considère que la technologie peut avoir un effet d'effritement de l'art de la guerre, mais ceci est un autre débat.

    RépondreSupprimer