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mardi 21 février 2012

Le système MARTHA, la solution interarmées pour la déconfliction du champ de bataille.


Dans la série des articles sur l'artillerie et avant d'aborder, dans un prochain post, le rôle de cette fonction opérationnelle dans un conflit asymétrique (avec l'exemple de la guerre d'Algérie), voici une réflexion sur l'artillerie sol-air dans son rôle primordial de coordination de la troisième dimension. Bonne lecture...
Dans le cadre de leur mission au sein de l’ISAF ou de la FINUL, les unités terrestres françaises déployées en Afghanistan et au Liban bénéficient d’un large panel d’appuis renseignement et feux et ce, dans la préparation, la conduite et l’évaluation des opérations. A ce titre, des actions de drones, d’avions de combat mais aussi d’hélicoptères et de pièces d’artillerie sont mises en œuvre sur courts préavis, voire, parfois, simultanément, dans des espaces de manœuvre très réduits. C’est ce que l’on appelle la déconfliction. Celle-ci regroupe l’ensemble des mesures prises pour éviter tout accident lié à la présence simultanée de plusieurs intervenants au sol et dans la troisième dimension. Elle optimise la sauvegarde des unités amies de tout type par rapport à la mise en œuvre des appuis feux.
Si une coordination fine de ses moyens est déjà effective au travers des équipes de DLOC (détachement de liaison, d’observation et de coordination), la conduite de la déconfliction interarmées n’est pas satisfaisante en l’état et pourrait être complétée par les moyens MARTHA (maillage des radars tactiques pour la lutte contre les hélicoptères et les aéronefs à voilure fixe) mis en œuvre par les artilleurs sol-air de l’armée de Terre.



Une solution de transition employée aujourd’hui ?
Le théâtre afghan met en exergue, depuis plusieurs années, la nécessité des appuis sol-sol et air-sol des unités terrestres sur l’ensemble du spectre des missions, allant du renseignement drone au Close Air Support en passant par le transport aéromobile ou le Close Combat Attack des hélicoptères. Si les unités appuyées sont unanimes pour saluer l’action des DLOC et des JFAC (Joint Forward Air Controler), les zones d’action des groupements tactiques interarmes sont souvent contraintes (cas de la Task Force La Fayette déployée sur une région de 20 km de large sur 50 km de long ou des zones d’action de la FINUL au Liban). Dès lors, malgré l’action du DLOC, qui coordonne les appuis feux, au sol et dans la 3ème dimension, dès la conception de la manœuvre, afin de contribuer à l’action interarmes en valorisant de manière optimale les effets des feux, force est de constater, qu’en conduite, son effort ne peut se concentrer que sur la délivrance du feu et en aucun cas sur la gestion de l’espace 3D ( répartition des volumes, consignes de tir, transits d’aéronefs sans lien avec l’opération en cours, mise en place d’évacuations médicales, …).
Le système actuel en Afghanistan ou au Liban reste du domaine de l’initiative empirique et serait difficilement transposable pour une situation opérationnelle plus complexe, engageant davantage de forces, une densité aérienne plus importante, la présence de vecteurs ennemis ou encore un milieu spécifique comme la zone urbaine (cas de la bataille de Falloudjah en Irak en 2004). En effet, actuellement, la déconfliction est effectuée en temps réel par la cellule air (S3/3D) du GTIA. Chaque base opérationnelle avancée dispose d’une ROZ (Restricted operation zone) qui permet de rendre imperméable aux aéronefs non autorisés (sauf accord explicite du GTIA) la zone des opérations en cours. Le poste de commandement au sein de cette ROZ, gère les différents moyens 3D (avions, hélicoptères, trajectoires) en les séparant de 3 façons :
- En altitude, en plaçant les avions au dessus de la flèche maximale des obus de 120 mm(4 074 mètres pour l’obus modèle F1) ;
- Dans l’espace, en répartissant géographiquement les moyens (ex : en Afghanisatn, les hélicoptères à l’ouest du méridien 63, les appuis sol-sol à l’est) ;
- Dans le temps, en définissant des créneaux adaptés (ex : tirs mortiers de 12h00 à 13h00 pendant la phase de fouille des objectifs, Close Air Support de 13h00 à 15h00 pendant le repli des unités).
Ce système limite, de fait, la liberté d’action du chef interarmes ou interarmées, en particulier pour lui permettre de disposer, à tout moment, du panel d’armement le pus large possible adaptable à toutes les situations et à toutes les aires géographiques.
MARTHA, une opportunité nouvelle et peu contraignante.
Pourtant, l’armée française dispose, depuis 2010, du système MARTHA au sein de ses unités sol-air, matériel parfaitement adapté à la gestion de la déconfliction. Si les moyens de l’armée de l’air peuvent être consacrés exclusivement à la coordination du feu des nouvelles batteries SAMP (sol-air moyenne portée), ceux de l’armée de Terre, prévus pour l’emploi des pièces MISTRAL, sont mis en œuvre par des artilleurs bénéficiant d’une connaissance de la manœuvre interarmes et interarmées mais aussi de l’emploi des différents moyens d’appuis par le feu. Aussi, semble-t-il opportun d’envisager le déploiement d’un détachement de ce type auprès des GTIA ou des brigades déployées sur le terrain pour assurer la déconfliction du champ de bataille.
Dans ce cadre, il est nécessaire de rappeler que le système MARTHA est composé d’une chaîne de gestion de l’espace (temps réel) chargée de la coordination en temps réflexe, des systèmes d’armes et de tous les intervenants 3D, des systèmes de surveillance du champ de bataille et de l’artillerie sol-sol. En liaison directe, par transmissions de données ou phonie,  avec les intervenants air (AWACS, centre de détection et de contrôle, …) MARTHA apporterait sans conteste une plus-value dans la gestion des moyens d’appui en amont ou en aval de leur prise en charge par les DLOC. De plus, son déploiement ne nécessite pas de moyens lourds et bénéficie d’une interopérabilité interarmées et interalliées vérifiée.
Plus concrètement il suffirait de déployer un ou deux systèmes NC1 (1 par GTIA) reliés à un système NC2/3 au niveau du PC brigade.
Cela représente des moyens limités tant en terme d’équipements que de ressources humaines :
Pour le NC1 :
   -Un véhicule d’exploitation formé d’un shelter de 15 pieds sur porteur de type ACMAT 6.50. Ce véhicule met en œuvre un terminal MIDS et 2 postes PR4G en transmission de données ou en phonie. Il est servi par deux opérateurs.
 - Un véhicule radar (VR) équipé d’un radar 2640 sur porteur de type ACMAT 4.25. ce véhicule met également en œuvre 3 postes PR4G.
Pour le NC2/3 :
-Un véhicule d’exploitation et de coordination (VEC) formé d’un shelter 20 pieds monté sur TRM 10 000. Ce véhicule est normalement servi par 5 opérateurs. Il met en œuvre des moyens de communication de type L11B (France et Otan), L16 (poste MIDS), Radio SATURN et 3 postes PR4G. Le VEC dispose également de points de raccordement vers les moyens RITA 2000 ainsi que vers les réseaux d’infrastructure SOCRATE.
-Un véhicule d’accompagnement (VA) de type TRM 2000 mettant en œuvre 3 postes PR4G.      
Au regard de ce bilan et du besoin d’optimiser la coordination des moyens appuyant les unités terrestres en opération, dans les engagements actuels comme dans ce à venir, le système MARTHA, servi par l’armée de Terre, peut apporter une plus value réelle à la déconfliction. Grâce à un contrôle direct avec tous les intervenants 3D et leur gestion dans l’espace, MARTHA offre la possibilité de fournir à tout moment et sans préavis, au DLOC et in fine au chef interarmes, les appuis voire les soutiens (cas des évacuations sanitaires) requis pour la situation sur le champ de bataille. Par une coordination en temps réel et permanente, les systèmes mis en œuvre sont à la disposition des forces à terre, simultanément ou successivement en fonction du besoin. Enfin, la faible empreinte tant technique qu’humaine du détachement permet un déploiement rapide et peu contraignant d’un module adapté à un niveau brigade.

Frédéric Jordan
 Source image : Ministère de la Défense




4 commentaires:

  1. Est ce que ce boulot n'est pas de la responsabilité de la fonction contrôle aérien en temps réel d'un AWACS ? Surtout que dans le cadre d'une zone à relief très accidenté, les capteurs du Martha, disposés au sol, risquent d'être encore plus soumis aux masques du terrain.

    Horangi

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  2. Comme vous le dîtes, les AWACS sont responsables de la détection et du contrôle, à savoir l'application des éléments issus de l'ACO (Air coordination order) mis à jour toutes les 12 heures ainsi que du controle en temps réel des aéronefs et des volumes non prévus.Mais avec Martha on parle bien de déconfliction et pas de contrôle, c'est un appui au commandement de la force terrestre qui doit impérativement se coordonner avec la manoeuvre sur le terrain (ce dont est incapable l'AWACS). Cordialement

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  3. Article brillant, dommage qu'il ne soit pas signé!

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    1. Bonjour, merci pour votre commentaire. Cet article est de moi comme 90% de ceux que vous npouvez lire sur le blog. Quand je ne suis pas l'auteur, je l'indique et je mets à l'honneur les contributeurs. Néanmoins, je retiens votre remarque et prendrai soin à l'avenir de signer mes posts. Très cordialement.

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