Le principe de liberté d'action (2).

Prévoir et anticiper pour sauvegarder sa liberté d'action, Lord Chelmsford, qui commande les troupes britanniques en Afrique du Sud, a oublié de mettre en application ce principe lors de la bataille d'Isandhlwana.

En effet, ce général divise ses forces en trois colonnes malgré les contraintes logistiques d'un terrain sans routes ni ponts et surtout sans jamais savoir où se trouvent les troupes zoulou. Sous-estimant son adversaire et persuadé d'être capable de le contraindre à la bataille sur un lieu choisi, Chelmsford va commettre une série d'imprudences jusqu'à la tragédie.

Le 22 janvier 1879, les Britanniques divisent encore un peu plus leurs forces en faisant bivouaquer le 24ème régiment d'infanterie légère au voisinage du mont Isandhlwana. N'anticipant aucunement une frappe par des détachements zoulou, le campement est établi sans précautions particulières : le gros des forces occupe le camp central avec une légère couverture sur le flanc gauche, une faible avant-garde et une aile droite tenue par des contingents indigènes auxiliaires à la faible capacité de résistance.

Malheureusement, entre 20 000 et 40 000 guerriers zoulou, masqués par une dépression du relief, fondent sur les 1 700 soldats impériaux. Utilisant leur tactique dite des "cornes du taureau" (voir croquis), les assaillants lancent un assaut massif central tout en enveloppant les flancs de son adversaire. Ce dernier ne peut utiliser ses pièces d'artillerie qui n'ont pas été mises en batterie préventivement et surtout finissent par manquer de munitions, les cartouches ayant été gardées conditionnées en vue d'approvisionner d'autres unités pendant la campagne. Les Zoulous finirent par créer une brèche et anéantirent le régiment britannique.

Cette défaite d'une armée conventionnelle bien armée face à une force bien organisée mais principalement équipée de lances et de boucliers montre que la prévision et l'anticipation sont impératifs quels que soient les types de conflit ou l'ennemi. Ce procédé doit s'appuyer sur des reconnaissances dans la profondeur afin de déterminer le mode d'action et le potentiel adverses, déterminer les volumes et les intentions ennemis. Il permet également de construire un plan de manoeuvre bâti sur des cas non conformes, des hypothèses susceptibles de modifier le rythme ou la forme de l'engagement prévu initialement. Pour un état-major, il est important également de préparer la manoeuvre future en "pensant" le temps suivant tout en maintenant les potentiels de combat de la force (ravitaillement, maintenance, soutien de l'homme et moyens sanitaires). Le chef interarmes doit s'assurer qu'il peut intégrer ses appuis (feux, génie, aériens,...) dès la conception du mode d'action ou dès les premiers contacts et ce, avec un dispositif modulaire et réversible. C'est à ce prix que, malgré la surprise, il pourra réagir et préserver la situation de ses troupes.

3- Du bon usage des réserves.

Afin de préserver sa liberté d'action, le général doit préparer en amont de la bataille un corps de réserve capable de lui donner soit la possibilité de réagir à un imprévu, soit de faciliter l'atteinte du centre de gravité ennemi ou encore exploiter l'avantage acquis. 

A suivre...