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mercredi 2 novembre 2011

Guerre des Malouines : l’artillerie sol-air assure la liberté d’action au corps expéditionnaire britannique

Souvent considérée à tort comme une fonction opérationnelle secondaire dans des conflits de moyenne intensité, la défense sol-air a pourtant été un élément crucial de la victoire britannique, lors de la guerre des Malouines, en mai-juin 1982.
Ces combats ont démontré, une fois de plus, que la supériorité aérienne n’est pas synonyme de suprématie et que le chef interarmes, ou interarmées, doit également envisager sa liberté d’action sous le prisme de la troisième dimension afin de ne pas perdre l’initiative, au sol, dans toutes les phases de l’action, à l’avant comme à l’arrière.
En effet, face au corps expéditionnaire britannique, les Argentins alignent un important contingent aérien dont une partie non négligeable est équipée pour l’appui au sol. Il s’agit de 64 A4 Skyhawk, de 20 Dagger (version israélienne dérivée du Mirage III français), de 7 Super-Etendard dotés d’Exocet (AM39), de 45 IA-58 Puccara et de 25 hélicoptères. Dès le début des hostilités, l’aviation britannique, avec ses Sea-Harrier, est incapable d’obtenir clairement la maîtrise du ciel, à l’instar des combats aériens des 1er et 2 mai 1982. Aussi, dès le 4 mai, les attaques à basse altitude des aéronefs argentins menacent les zones de débarquement anglais avec la destruction du destroyer Sheffield par un aéronef.
Très vite le commandement britannique prend conscience de la vulnérabilité des bâtiments de la flotte ainsi que de ses têtes de pont et comprend que les avions argentins pourraient mettre en péril le débarquement des hommes et du matériel.

Dès lors, le corps expéditionnaire, pour garantir sa liberté d’action, décide de déployer, dès les premières heures de l’offensive terrestre à Port San Carlos, des batteries sol-air RAPIER et des « manpads »[1] BLOWPIPE et STINGER. Dès le 21 mai, ces RAPIER sont héliportés sur la tête de pont, permettant la destruction de 17 avions et de 4 hélicoptères argentins. L’effort de protection anti-aérienne étant réalisé sur les troupes engagées, les aéronefs argentins s’en prennent alors à la logistique britannique. Ils détruisent ou endommagent, entre le 21 et le 25 mai, les HMS Ardent, Coventry, Antelope, Argonaut et Brillant, ainsi que le porte- conteneurs Atlantic Conveyor. Le commodore MC Clapp décide donc d’embarquer deux pièces sol-air à bord des navires amphibies comme le Sir Tristam et d’en placer plusieurs le long des côtes pour couvrir la flotte. Cette décision tactique coûtera aux argentins près de trente avions et hélicoptères, engins qui ont tenté notamment de détruire le paquebot Canberra, transformé en transport de troupes.
Tout au long de l’action terrestre, de Goose Green à Port Stanley en passant par le Mont Kent, la défense sol-air apporte une protection irremplaçable aux parachutistes et aux marines britanniques face aux nombreux raids de l’armée de l’air argentine. Elle assurera, entre autre, la protection du PC de la 3ème brigade basée à Teal Inlet.
Les rapports et retours d’expérience rédigés après la guerre indiquèrent que les dégâts auraient été bien plus importants sans cette couverture anti-aérienne. Les états-majors soulignèrent également que la « bulle » sol-air ne pouvaient être totale et qu’il incombait au commandant en chef de faire des choix parfois dramatiques. Ainsi, le HMS Galaad, privé de défenses anti-aériennes, fut victime de cette « lacunarité » de l’espace aérien et subit une attaque qui entraîna la mort de 48 soldats et marins.
Au bilan, l’armée argentine perdit 81 aéronefs, qui furent abattus par la chasse ou les missiles sol-air, ce qui ne lui permit pas d’apporter, à ses forces terrestres, un appui au sol déterminant. Les enseignements de ce conflit restent d’actualité à l’heure où tous les observateurs s’accordent sur un réarmement conventionnel mondial et alors que de nombreux Etats se dotent de moyens aériens conséquents. Aussi, a-t-on vu, au Tchad, la plus-value apportée par les hélicoptères de combat Mi24 du président Deby face aux rebelles Zagawas ou celle des Su24 russes dans le conflit avec la Géorgie.
Dès lors, il convient de ne pas marginaliser ou oublier, dans la conception de la manœuvre, les moyens sol-air propres à donner au chef la liberté d’action dont il a besoin pour concentrer ses moyens et garder l’initiative. Malgré nos équipements toujours plus performants et notre maîtrise technologique, n’oublions pas que la vulnérabilité de nos forces viendra aussi et encore du ciel. En effet, l’ennemi de demain cherchera le renseignement et exploitera nos failles, il n’hésitera pas à utiliser la troisième dimension pour nous surprendre, connaître nos intentions voire frapper nos centres de commandement ou nos axes logistiques et ce, à l’image de ce que pratique déjà le Hezbollah ou les FARC[2] colombiens avec des unités d’ULM[3] ou des drones d’origines diverses.


[1] Man-portable air defense systems : armes anti aérienne très courte portée et mise en œuvre par un combattant.
[2] Forces armées révolutionnaires colombiennes.
[3] Aéronefs ultra légers motorisés.

2 commentaires:

  1. Effectivement les moyens sol-air ne sont guère mis en avant dans les opérations au prétexte que les armées de l'air occidentales maîtriseront le ciel. Pourtant on a bien vu à Bouaké les dégâts occasionnés par deux SU25 alors même que le commandement français n'avait pas voulu considéré comme une menace les nombreuses provocations de ces deux avions les semaines qui avaient précédées l'attaque. Quand on regarde les forces aériennes mêmes technologiquement dépassées de certains pays à risque (Syrie, Corée du Nord,Chine, Iran, ...) il serait imprudent de ne pas séployer des moyens sol-air sur tous les théâtres d'opération à venir...

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  2. Pour rebondir sur le précédent commentaire, je dirai, pour ma part que les moyens anti-aériens sont souvent mis "pour mémoire" dans la planification à l'occasion des exercices ou des missions réelles. Les adversaires potentiels quant à eux, le prenne en compte et déploie des moyens même restreints. pour s'en convaincre il suffit de lire ou de voir les dégâts occasionnés par des missiles portables en Afghanistan à l'époque soviétique, plus récemment en Tchétchénie ou même en Géorgie. D'ailleurs, on ne s'y est pas trompé en Libye pendant la campagne aérienne de ces derniers mois où nos avions tiraient à près de 5000m d'altitude et où les hélicoptères de combat ne volaient que la nuit, comme quoi...

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