En lien avec le thème de la rubrique « Paroles de chef », nous vous proposons la première partie d’un article sur la défensive, thème qui demeure peu traité à l’heure de la contre insurrection ou du combat conventionnel hyper technologique. Ce dernier permettrait, semble-t-il, de saisir l’initiative par des actions offensives et fulgurantes contre un adversaire contraint uniquement à subire la volonté de l’assaillant. Néanmoins, cette réflexion sur les modes d’action défensifs devrait susciter le débat et vos réactions. Bonne lecture.
« Si la recherche d’équilibre demeure l’objectif stratégique, l’entraînement doit couvrir l’ensemble du spectre des savoir-faire opérationnels, c’est-à-dire l’offensive, la défensive et la stabilisation ». Cette affirmation, extraite de la directive 2009-2011 du général W.Casey, chief of Staff of the Army, pour la préparation opérationnelle des unités, démontre, s’il en était besoin, que malgré leur supériorité conventionnelle, les Etats-Unis n’excluent pas de préparer leurs forces à des postures opérationnelles défensives. Pourtant, force est de constater que s’exprimer sur la « défensive » dans les armées occidentales et, en particulier, dans l’armée française, ne fait pas l’unanimité aujourd’hui. En effet, une approche des opérations sous l’angle de la défense est considérée comme l’illustration d’un déficit d’audace voire le symptôme d’une prudence excessive et d’un manque de confiance dans nos équipements. Il s’agit donc de remettre en question ces certitudes héritées de la RMA[1] post guerre froide, en réaffirmant, dans un premier temps, que la défensive complète toujours l’action offensive, mais aussi en soulignant, dans un second temps, que son apprentissage historique et contemporain permet de réhabiliter son emploi, mais aussi de mieux appréhender sa mise en œuvre par un ennemi potentiel.
Le mirage du tout offensif
Avec la fin de la guerre froide, les armées occidentales veulent rompre avec les manœuvres retardatrices prévues face au rouleau compresseur du pacte de Varsovie. La prééminence de l’offensive apparaît donc avec la première guerre du Golfe et son dénouement rapide. La stratégie s’appuie alors sur la supériorité technologique et sur l’efficacité du ciblage théorisé par le colonel (US) Warden. En outre, la mauvaise connaissance des grands penseurs stratégiques poussent les militaires à adhérer à une interprétation erronée de leurs travaux, à l’image de Carl von Clausewitz réduit à sa dimension offensive et à son paradigme de bataille décisive alors qu’il écrit : « La forme défensive de guerre est en soi plus forte que l’offensive ».
Mais c’est surtout l’expérience qui sonne le glas de ce culte pour le tout offensif. En effet, les conflits asymétriques récents conduisent les plus faibles à pratiquer sur les plus forts, des modes d’action hérités de la guerre révolutionnaire qui, comme l’embuscade ou le harcèlement contraignent les armées régulières à une posture défensive. Les coalitions, en Irak comme en Afghanistan sont ainsi amenées à adopter sur le terrain une manœuvre en réaction, ou à protéger leurs forces dans des sanctuaires[2] abrités derrière les solides palissades des FOB[3]. De même, dans certains cas, il s’avère qu’une défense bien menée, même par l’adversaire dont le potentiel semble fragile, peut défaire des unités bien équipées et disposant, à première vue, de la supériorité technologique et opérationnelle. Ce fut le cas du Hezbollah au Liban qui, malgré des pertes importantes, a tenu tête aux troupes de Tsahal grâce à l’efficacité de son renseignement, à son système défensif fortifié et à son dispositif en profondeur.
Enfin, aujourd’hui plus que jamais, le milieu devient un égalisateur de puissance et les zones urbaines, par exemple, offrent au défenseur un atout de taille. Dans la continuité de ce bilan contemporain, l’histoire militaire vient à l’appui de ce constat.
A suivre ...
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