Poursuivant notre série de posts sur les problématiques liées aux conflits asymétriques, nous mettons à jour les rubriques « Paroles de chef » et « Batailles et enseignements » de votre blog. La citation proposée est issue d’un retour d’expérience de l’Armée rouge après son retrait d’Afghanistan en 1989. Elle démontre, s’il en était encore besoin, que les armées modernes, ne sont pas toujours préparées d’emblée à mener des opérations de contre-insurrection face à des combattants qui ne respectent pas toujours les canons stratégiques, tactiques voire éthiques des forces conventionnelles. Dès lors, il y a nécessité de s’adapter tant par l’équipement que par les modes d’action ou les manœuvres choisis. Quant à la bataille présentée, l’embuscade de la forêt de Teutoburg, elle illustre parfaitement l’échec d’une doctrine romaine éprouvée mais prévisible (pourtant victorieuse face à d’autres adversaires) face à une rébellion germaine maîtrisant le terrain, prenant l’initiative de l’engagement et faisant preuve d’une mobilité supérieure.
Ces deux réflexions et constats, pourtant séparés par presque 2000 ans d’histoire, me font dire qu’il est possible de mettre en exergue des enseignements pérennes. Ces derniers sont néanmoins souvent oubliés après des conflits conventionnels ou de longues périodes de paix mais aussi des phases de domination stratégique par des armées considérées comme les plus puissantes du moment.
Aussi est-il intéressant de rappeler qu’après les légions romaines bousculées par les invasions barbares, les Huns si redoutés sont vaincus aux champs Catalauniques, les troupes anglaises longtemps tenues en échec par les révoltes écossaises, Napoléon surpris par la guérilla espagnole, l’Empire britannique blessé par la pugnacité des peuples zoulou ou afghan, les Français peinant à soumettre Abd el Krim au Maroc et enfin les Américains épuisés par le Viêt-Cong en Asie du sud-est. Autant d’exemples historiques marquant les difficultés rencontrées par une force régulière face à des insurrections aux multiples visages, dans des milieux géographiques ou culturels différents, des contextes stratégiques variés et avec des armements en perpétuelle évolution.
Aujourd’hui, après les débats doctrinaires et les écrits produits en réaction aux engagements afghans et irakiens, sans compter le retour aux leçons, plus ou moins dévoyées, des conflits indochinois ou algériens, il m’apparaît nécessaire de trouver quelques lignes directrices pour préparer les guerres de demain qui seront peut être des conflits asymétriques (encore que cette affirmation reste sujette à caution).
Bien sûr, ces propositions ne sont en rien d’exhaustives et attendent d’être enrichies par vos commentaires. Pour préserver la faculté d’adaptation de nos armées, face à ce que l’on nomme les surprises stratégiques ou les menaces potentielle de demain, il faut, selon moi, combattre les partisans du tout technologique (drones, capteurs, armement en stand off, numérisation à outrance,…) qui estiment pouvoir remplacer les effectifs sur le terrain par une maîtrise de l’information ou un armement supérieur. Certes, ce progrès technique apporte une réelle plus-value aux unités déployées pour éclaircir le brouillard de la guerre ou limiter l’action des frictions sur la manœuvre, mais elles ne peuvent remplacer l’initiative du combattant ou du chef, le coup de génie, la surprise tactique voire l’opportunité saisie face au terrain et aux circonstances. Pour réussir cela, l’effort doit être porté sur la formation des cadres et l’entraînement du combattant et ce, en prenant appui sur la pratique de la planification, l’art opératif, les principes tactiques, l’histoire militaire ou la prospective stratégique. Aussi, faut-il s’opposer à la tendance qui semble s’imposer, à savoir le remplacement de l’enseignement des RI[1], de la manœuvre[2] et de l’histoire militaire (par l’intermédiaire de staff ride[3], d’études tactico-historiques, de connaissances sur de grands penseurs,…) par l’étude privilégiée des problématiques organiques (financières, managériales, techniques,…) qui s’inscrivent dans un contexte économique difficile et une transformation profonde (et nécessaire) des outils militaires occidentaux. Mais, cette nécessaire gestion budgétaire et organisationnelle ne suffira pas à gagner les guerres ou à remplir les objectifs sur des théâtres futurs.
En effet, l’apprentissage des méthodes de planification ou de réflexion opérationnelles est incontournable et ne prend son sens que s’il est enrichi au travers l’étude dess situations antérieures (dont on a tiré un retour d’expérience) mais aussi grâce à la réflexion sur les contextes d’engagement à venir dont il faut maîtriser les enjeux (à l’instar des opérations récentes en Libye, des menaces de type AQMI,…). Concernant l’entraînement, l’effort doit être maintenu malgré les retraits progressifs de certains théâtres afin de faire évoluer l’équipement, la doctrine, l’intégration interarmes et interarmées, l’aguerrissement de troupes professionnelles. Celles-ci doivent impérativement conduire l’instruction sur le terrain et non pas uniquement par le biais de la simulation (comme certaines armées occidentales l’envisage pour faire des économies financières et favoriser le recrutement à l’horizon 2030).
Le challenge est de taille si l’on veut éviter de connaître le destin des forces françaises décrit par Marc Bloch dans son «étrange défaite » ou subir un complexe de supériorité aveuglant qui favorisera l’ennemi de demain et nous privera de l’initiative pour vaincre. J’attends vos réactions.
Des références et une réflexion intéressante sur l'asymétrie. Néanmoins, vous écartez avec élégance les conflits conventionnels mais il y a fort à parier que nous connaîtrons des guerres de ce type dans les années à venir, des articles sur ce sujet pourraient revenir sur des conflits récents ou potentiels (guerre russo-géorgienne, Corée du Nord,...).
RépondreSupprimerJ'adhère à ce commentaire avec en plus d'intéressantes références à trouver dans l'histoire comme la guerre de sécession, la guerre russo-japonaise= ou la guerre d'Espagne qui ont été des répétitions des conflits mondiaux
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