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samedi 19 novembre 2011

Pour compléter le débat, vos exemples et vos commentaires : les bérets verts au Vietnam.


Tout d’abord merci aux lecteurs qui ont fait part de leurs références historiques dans les commentaires de divers articles et en particulier celui sur le rôle des forces légères dans les opérations de contre-insurrection.
Pour compléter le débat que vous avez initié, voici une synthèse de divers documents, d’ouvrages historiques français ou issus de documents de réflexion et de RETEX[1] de l’armée de terre américaine sur ces forces spéciales (les bérets verts) pendant le conflit vietnamien.

En 1961, débute le programme CIDG (Civilian Irregular Defense Groups) avec la mise en place, au Vietnam, de la A-Team des bérets verts du capitaine Ronald Shakelton pour former des unités d’auto-défense au sein des villages frontaliers habités par des ethnies minoritaires (Montagnards, Khmers, Chinois). L’objectif est principalement d’obtenir des renseignements sur les infiltrations nord vietnamiennes et d’empêcher le Viêt-Cong d’avoir accès à la population pour y développer sa propagande communiste. Devant le succès des premiers camps d’auto-défense, le gouvernement américain déploie davantage de forces spéciales (et en particulier des bérets verts).


Ainsi, en 1965, 646 de ces commandos sont présents dans 129 villages et ont déjà formés 10 000 miliciens (défense des enclaves) dont 1800 combattants locaux capables de mener, avec eux, des missions plus offensives (embuscades, raids d’infiltration). Le colonel Bull Simons des forces spéciales américaines dira de ces unités mixtes : "They can produce results that far out weigh their numbers"[2]
Au plus fort du conflit, pas plus de 2500 bérets verts participèrent à cet effort de formation, mission qui ne nécessita que quelques véhicules, 24 pièces d’artillerie et un budget d’à peine 120 millions de dollars par an. L’historien Charles Simpson écrira d’ailleurs, dans un de ses ouvrages, que : "the Green berets performed their mission wiyhout arousing anti-american feelings in the South Vietnamese people. It was an excellent example of the right way to fight an insurgent war." [3]



Néanmoins, en 1969, sous une grande pression politique, le général américain Abrams dut se résoudre à donner le contrôle de ses unités non-conventionnelles aux militaires sud-vietnamiens. Le commandement du 5ème groupe de forces spéciales objecta, sans succès, que les camps ne pourraient rester efficaces sans le soutien logistique, les appuis feux et le conseil des bérets verts.
Cette analyse se révéla très pertinente au regard d’un des premiers engagements majeurs de montagnards sous le commandement de l’ARVN[4] en avril 1970 lors de l’attaque nord vietnamienne du camp de Mai Lac. Les "montagnards" de l’ethnie « Bru » refusèrent de suivre les officiers sud vietnamiens qui les commandaient et qui étaient incapables de garder la liaison avec leurs supérieurs ou de coordonner les appuis air-sol. Seule l’intervention de troupes américaines permit de rétablir la situation. Dans cinq autres camps de "montagnards", appelés également les « CIDGEES », près de 70 LLDB[5], membres des forces spéciales sud vietnamiennes, furent tués par leurs hommes.
Ces camps furent démantelés pour être transformés en bataillons régionaux ou en unités de gardes frontières mais leur efficacité décrut rapidement. D’autant qu’il semble que ces villageois, très combatifs pour défendre leurs terres devinrent de piètres combattants loin  de leurs foyers.
Seules les unités toujours encadrées par des bérets verts comme les 34 Mobile Strike Forces furent engagées avec succès dans une série d’opérations (Gamma, Omega, Sigma) sur les arrières du Viêt-Cong, au Vietnam, au Laos et au Cambodge. Elles devinrent le noyau dur des unités de rangers sud-vietnamiennes qui tiendront tête à la première grande offensive de l’ANV[6] (appuyée par des blindés) en 1972 lors des combats de An Loc (nord de Saigon).
Le problème majeur demeurera néanmoins la faible reconnaissance des Vietnamiens et du pouvoir de Saigon pour l’engagement et les sacrifices de ces minorités ethniques dont la discrimination perdurera jusqu’à la défaite de 1975.


[1] Retour d’expérience.
[2] Ils pouvaient obtenir des résultats bien supérieurs à la faiblesse de leurs effectifs.
[3] Les bérets verts ont rempli leur mission sans développer de sentiments anti-américains dans la population sud-vietnamienne. C’était un excellent exemple de la bonne façon de conduire la lutte en contre-insurrection.
[4] Armée sud-vietnamienne.
[5] Lac Luong Dac Biet.
[6] Armée nord-vietnamienne.

5 commentaires:

  1. Merci pour ces éclairages qui montrent que dans ce type de conflit, rien n'est tout blanc ou tout noir et qu'il faut que toutes les actions se lient les unes aux autres pour obtenir réellement un résultat. Les bérets verts ont été victimes des choix stratégiques.

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  2. Pour mémoire, les forces spéciales s'implantèrent initialement dans les maquis déjà formés par les français. Pour compléter cet excellent article, je recommande la lecture de ce document sur les débuts des CIDG.

    http://smallwarsjournal.com/documents/cidgprogram.pdf

    Il souligne la défiance des sud-vietnamiens à l'égard des montagnards et le bon comportement de ces derniers au combat.

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  3. C'est sur les montagnards que s'appuyèrent les forces spéciales et plus particulièrement l'ethnie hmong. Ces opposants farouches à la domination vietnamienne (du nord ou du sud) avaient déjà épaulé (avec succès) les français du GMCA. Pour exemple, le général Vang Pao avait été sous-lieutenant sous les ordres du cne SASSI (alias Bagherra), il participa à la tentative tardive d'implantation d'un maquis dans les environs de dien bien phu. Ce général devint l'âme de la résistance des Hmongs du Laos pendant la guerre du Vietnam. Epilogue de ces maquis, comme l'évoque le livre disponible en e-book "les jungles perdues" de nicolas Vidal, des mouvements de résistances abandonnés à eux-mêmes étaient toujours présent au vietnam et surtout au Laos au début des années 2000. C'est donc le gouvenement sud vietnamien qui nuit par "racisme" à l'efficacité des maquis...

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  4. Ce qui prouve qu'en matière de contre insurrection, il doit exister une comunauté de vision avec le gouvernement soutenu. Est ce le cas en Afghanistan ? La coalition et le gouvernement ne semble pas avoir la même vision de la stabilisation et de l'état final recherché, sans parler des moyens pour y parvenir.

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  5. L'efficacité tactiques des forces spéciales US au vietnam ne peut être remise en cause. Ces dernières sont parvenues à l'issue du conflit à un niveau opérationnel particulièrement élevé, comme le prouve l'examen du raid héliporté sur la prison de Son-Tay...Il est à noter qu'en matière de contre insurrection et d'opérations spéciales les savoir-faire ce perde rapidement. Comme le prouve l'échec en 1980 du raid eagle claw effectuer pour libérer les otages de l'ambassade US....

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