Le siège des légations diplomatiques à Pékin par les
milices des boxeurs et l’armée impériale du 20 juin au 14 août 1900 est un
remarquable exemple de dispositif défensif en zone urbaine (ZURB) et de combat
dans ce milieu cloisonné. En effet, les 461 soldats des 8 nations disposant de
troupes sur place, appuyés par une poignée de volontaires civils, vont tenir
tête pendant près de 55 jours à des milliers de fanatiques et de combattants
réguliers chinois. Aussi, verrons-nous au travers de cet exemple historique que
le nombre n’est pas forcément le centre de gravité de celui qui défend une
ville mais que la coordination interarmes, la force morale, la logistique et le
commandement sont décisifs. Dès lors, il ne s’agit pas ici de refaire la
chronologie des évènements mais de les utiliser pour illustrer un certain
nombre d’enseignements propres à l’engagement en ZURB.
1-La situation, les belligérants, leurs
forces et faiblesses.
Depuis 1860, des conflits plus ou moins violents, sur
terre comme sur mer, opposent l’empire du milieu avec le Japon (guerre de
1894-95) ou les puissances européennes. Ces dernières, profitant de
l’instabilité politique chinoise ainsi que de leur supériorité militaire et
économique, installent en Chine des concessions ou occupent des territoires
entiers à l’image de Wei-hai-Wei ou de Liuchouen. Des missionnaires protestants
et catholiques débarquent en Chine pour tenter, avec un prosélytisme agressif,
de convertir les populations locales. Les Chinois les plus conservateurs
fustigent alors les « diables étrangers
» et les accusent de participer à la misère paysanne ou à l’insécurité dans les
grandes cités.
L’impératrice Ts’eu-hi cherche à maintenir son pouvoir
et concilie avec de plus en plus de difficultés les intérêts des différentes
parties en présence. Débordée par l’influence croissante des Boxers, elle se
range finalement derrière un de ses ministres, le prince Tuan, et prend fait et
cause pour les plus irréductibles afin de chasser les Chrétiens et les
étrangers du territoire chinois. Son armée, bien équipée en pièces d’artillerie
ou en fusils, mais mal entraînée, mal commandée et en sous-effectif (le nombre
de soldats démobilisés s’est accru à la suite d'économies budgétaires) sera
engagée à Pékin et contre les colonnes de secours envoyées par les Européens.
Les Boxers
sont les membres de la secte du « Yìhéquán », (Les Poings de la justice
et de la concorde), plus tard appelée « Yìhétuán » (Milice de la justice
et de la concorde). En effet, pour s’opposer aux forces de police des
concessions étrangères, cette société secrète entraînait ses adhérents aux arts
martiaux, à la boxe chinoise en particulier, et à des pratiques mystiques leur
permettant selon eux d'être invulnérables aux balles. Armés de couteaux, de
lances, puis d’armes à feux fournies par l’armée impériale, ils attaquent les
missions chrétiennes dès 1899, puis, au début du mois de juin 1900 coupent
progressivement les communications ferroviaires entre Tien-Tsin (où se trouvent
des contingents militaires européens conséquents) et la capitale chinoise. Ils
cherchent à isoler les légations des bâtiments de guerre qui mouillent au large
du port de Ta-Kou. A Pékin, avec les soldats qui les soutiennent, ils sont près
de 40 000 pour s’emparer des légations étrangères.
Les Européens, les Américains et les Japonais, quant à
eux, amènent, fin mai-début juin, en toute hâte, des détachements légers pour
protéger leurs ambassades à Pékin. Plutôt symboliques, ces unités ne disposent
que de peu d’équipements lourds (une mitrailleuse et une pièce d’artillerie)
mais ont apporté de nombreuses munitions. Ces unités sont constituées de 87
soldats russes, 82 britanniques, 58 américains, 51 allemands, 78 français (aux
ordres du célèbre lieutenant de vaisseau Darcy), 42 italiens, 34
austro-hongrois et 29 japonais. Les diplomates tentent de négocier avec
l’impératrice, sollicitent une colonne de secours (la colonne Seymour qui
n’arrivera jamais, bloquée à Tien-Tsin par les Boxers) mais comprennent, avec
l’assassinat de l’ambassadeur allemand (le baron von Ketteler) le 20 juin, que
le combat est inévitable.
2- La préparation de l’action.
En prévision des assauts chinois, les troupes
internationales profitent des journées qui précèdent le début des hostilités
pour aménager le quartier des légations mais aussi, à 3 km de là, pour
sécuriser l’enceinte du Pé-T’ang où se trouvent la cathédrale, les missions et
les religieux de Pékin dont l’évêque, Monseigneur Favier, et près de 1000
réfugiés. Pour cette emprise isolée, les Français détachent 30 fusiliers marins
aux ordres de l’enseigne de vaisseau Henry renforcés par 11 soldats italiens.
Les civils, comme les combattants, se transforment en terrassiers, en miliciens
et bâtissent des barricades, nettoient les secteurs de tirs de tout obstacle.
Les bruits de pelles et de pioches retentissent, des meurtrières sont ouvertes
dans les murs, des sacs de sable placés dans les fenêtres. Les militaires
continuent l’entraînement et se préparent à l’action, à l’instar du lieutenant
de vaisseau Darcy qui, dès le 2 juin, impose à ses hommes un emploi du temps
quotidien (tir et gymnastique).
Pendant ce temps, les Boxers incendient et pillent la
ville, harcèlent les défenseurs chaque nuit pour les fatiguer et tester les
réactions de leurs adversaires.
3- La
logistique.
Conscients qu’il faudra durer, les diplomates comme
les troupes internationales essaient de stocker le ravitaillement sous la
conduite d’Auguste Chamot, le directeur suisse de l’hôtel de Pékin. Ce dernier
réussit à dérober dans les magasins impériaux des sacs de riz et de blé. Quatre
chambres de son établissement sont transformées en moulin pour nourrir 1200 européens
et 3000 réfugiés chinois. Dans le parc du Fou, il fait entasser animaux
(vaches, porcs et chevaux) et vivres. Il n’hésite pas à « blinder »sa charrette pour apporter l’approvisionnement aux quatre
coins du quartier des légations. Les médecins manquent de médicaments et
doivent lutter contre la dysenterie qui sévit rapidement (les conditions
d’hygiène sont déplorables sous une chaleur écrasante) en constituant des
potions médicinales à base de plantes trouvées sur place.
4- Le
commandement, les liaisons et la coordination.
Dès le 20 juin, Pékin est isolée car les Chinois
coupent les liaisons télégraphiques, empêchant les légations de communiquer
avec les troupes de secours. En termes de commandement, le début du siège est difficile
car chaque contingent et chaque ambassadeur souhaitent garder leur autonomie.
Très vite, cette situation intenable conduit les Français, les Allemands et les
Austro-Hongrois à travailler de concert avant que tous s’accordent pour confier
le commandement en chef à Sir Mac Donald, ministre britannique. Ce dernier,
décide de constituer une réserve dans les locaux de l’ambassade d’Angleterre et
de prendre, sous contrôle opérationnel, l’unique mitrailleuse « Maxim » afin de faire face aux attaques
ennemies omnidirectionnelles.
Du côté chinois, les officiers peinent à garder le
contrôle de leurs hommes et se heurtent aux choix tactiques des Boxers souvent
peu élaborés (assauts frontaux uniquement).
5- Les appuis : génie et feux.
Les sapeurs de fortune que sont les défenseurs
fortifient le périmètre défensif en s’appuyant sur les portes médiévales du
quartier, sur les murailles et sur les palais. Des blockhaus sont édifiés ainsi
que des tranchées profondes, comme la tranchée « Bartholin »,ligne principale de résistance. Les Boxers, face à
l’opiniâtreté des forces internationales, creusent des mines sous les défenses
puis les font exploser (pour créer des brêches), hormis quand les Européens,
attentifs interceptent les mineurs en construisant des tunnels perpendiculaires
aux galeries chinoises.
Les troupes impériales disposent de nombreux canons,
Krupp ou bouches à feux plus anciennes pour bombarder avec violence les
légations, jusqu’à 212 obus par jour. Néanmoins, ils tirent souvent avec une
faible précision ou doivent s’approcher jusqu’à 200 m de l’objectif pour ouvrir
le feu (les rues sont étroites). Les servants sont ainsi pris pour cibles par
les soldats internationaux qui mènent alors des sorties afin de récupérer les
pièces abandonnées (comme le fit l’enseigne Henry le 22 juin au Pé-T’ang). Les
Occidentaux, quant à eux, se permettent quelques tirs de contre batterie
efficaces avec des moyens dérisoires, à l’image de cette arme réalisée avec un
tube italien, un affût britannique et des munitions russes.
6- La force morale et la guerre
psychologique.
Dans ce milieu urbain cloisonné, la force morale est
importante car les positions sont interdépendantes les unes des autres. Aussi,
quand les Marines américains paniquent à plusieurs reprises (et quittent
prématurément leurs postes), comme le 24 juin ou le 1er juillet,
seul le charisme de quelques officiers permet de rétablir la situation in extremis. Privés de contact avec
l’extérieur, les diplomates et les civils cèdent parfois à la panique ou sont
influencés par de faux informateurs qui distillent des nouvelles
contradictoires sur les colonnes de secours. Les Boxers jouent de leur
propagande pour entraîner les Pékinois dans leur combat, pour lancer des
assauts de masse ou entamer des trêves et user ainsi la combativité des
combattants des légations. Ces derniers font face par une organisation rôdée
(repos des soldats), des points de situation réguliers et une confiance dans
l’arrivée prochaine de renforts.
7- Bilan.
Quand l’armée de secours internationale libère la
ville après 55 jours de siège (y compris en passant par les égouts pour les
unités britanniques), les défenseurs sont à bout de souffle, en particulier au
Pé-T’ang où les vivres et les munitions manquent et où l’enseigne Henry a été
mortellement touché. Les gardes des légations ont perdu 64 tués et 133 blessés,
de nombreux civils sont morts (de maladie, de malnutrition ou du fait des
combats). Le contingent japonais a vu 86% de son effectif mis hors de combat.
Mais les Chinois n’ont pas réussi à s’emparer du quartier des ambassades ni à
interdire aux renforts occidentaux l’accès de leur capitale. L’impératrice est
contrainte à la fuite et les Européens resserrent un peu plus leur étreinte
économique et politique sur l’Empire du Milieu.
Pour conclure, ce siège, peu connu (hormis au travers
de la superproduction hollywoodienne assez peu historiquement conforme aux
faits), apporte des enseignements sur le combat en ZURB. On y retrouve en effet
le rôle majeur de la préparation ou de la valorisation du terrain par le
défenseur, l’importance de la logistique pour durer et user l’ennemi,
l’efficacité des appuis feux ou du génie mais aussi leurs vulnérabilités
(portée des canons, sape) et enfin, la nécessité de soutenir le moral des
troupes par un commandement centralisé et des appuis mutuels.
Ce combat en zone urbaine démontre, s’il en était
besoin, que l’assaillant, même en supériorité numérique écrasante, doit
concevoir un mode d’action tactique adapté à la ville et à l’adversaire qu’il
compte vaincre.
Bonjour,
RépondreSupprimerLes deux principales erreurs de départ auront été l'amateurisme en matière de gestion des affaires militaires comme de la surestimation des capacités des Boxers à vaincre des forces coalisés peu nombreuses mais bien préparées. Le Prince Duan par sa méconnaissance des réalités de terrain et son incompréhension du monde extérieur aura pesé énormément dans le déclenchement puis l'échec du siège des légations.
Cordialement
le vrai question est: que font ces etrangers la bas?
RépondreSupprimerils ne sont pas chez eux, et n'ont pas a avoir des troupes armees la bas ???
imaginez des troupes chinois a Paris...????